Dans les plantations esclavagistes du Sud…
Ce troisième volet de la trilogie raconte les avatars de la dernière génération. Cette histoire, inspirée de faits réels, s’achève dans une ultime révélation, dans une scène qui réunit tragédie et sérénité. La vérité est enfin révélée.
En usant, tout au long des trois tomes d’allers-retours, de ponts entre passé et présent, les auteurs évoquent le destin tumultueux d’une famille de possédants confrontée aux soubresauts d’une époque où la domination masculine était la règle, l’injustice sociale et la ségrégation raciale étaient érigées en système. La scénariste place le récit de Louise en 1961, mais la ségrégation, malgré une évolution des mentalités, malgré le temps qui passe, est encore bien présente aujourd’hui et du fait de chaque ethnie.
Louise Soral a entrepris de raconter son histoire, et celle de ses ancêtres, à Hazel sa dame de compagnie. Elle est la descendante d’une famille de planteurs de la Nouvelle-Orléans. Augustin, son aïeul, fait régner la terreur sur la plantation. Laurette et Joséphine, des cousines, s’allient à Marie Laveau, une prêtresse vaudou pour faire cesser cette violence.
Antoine, le frère de Joséphine, de retour de France, prend la tête du domaine, mais sa gestion est calamiteuse, alors que Laurette, rongée par le remord, sombre peu à peu dans la folie.
Les parcours des uns et des autres sont chaotiques. Jean, le fils de Joséphine, est amoureux d’une esclave, son mari se corrompt, influencé par Antoine. Marie Laveau, une fois encore clôt le destin des deux hommes.
Jean, que sa mère avait éloigné pour briser cette folie, revient et se marie avec une épouse plus honorable… de couleur. Et survient la guerre de Sécession. Joséphine quitte la plantation et vend la main-d’œuvre.
Louise est la fille de Jean. Elle a pris connaissance de l’histoire de sa famille par la lecture du journal intime de son aïeule, une histoire sombre et sordide. Elle rêvait de liberté et d’indépendance mais elle est confrontée au racisme exacerbé qui règne dans les États du sud. Elle a dû s’occuper de son père revenu de la guerre, hanté par les horreurs vécues et essayant de trouver un oubli dans l’opium.
Gontran Toussaint, avec un dessin réaliste, met en image avec brio cette saga familiale, donne une lecture très agréable par une mise en page de facture classique et montre toute la luxuriance de la Nouvelle-Orléans par des décors magnifiques.
La mise en couleurs, œuvre de Léa Chrétien, sublime cette histoire, fait ressortir les ambiances, ressentir les atmosphères même les plus brutales.
Par une intrigue orchestrée avec une belle maîtrise, avec une galerie de personnages féminins de toute beauté, un graphisme de haute tenue, cette trilogie interpelle sur la part d’ombre tapie au cœur de chaque humain.
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serge perraud
Léa Chrétien (scénario et couleur) & Gontran Toussaint (dessin), Louisiana, la couleur du sang — tome 3, Dargaud, septembre 2022, 56 p. – 15,00 €.