Philip Le Roy, Aliana — La femme la plus dangereuse du monde

Une cavale riche en rebondissements

Hélène court vite. Le rythme de sa course l’amène à un plai­sir rare­ment res­senti avec Paul. Elle rat­trape faci­le­ment un trio qu’elle bous­cule un peu en s’excusant. Elle res­sent une dou­leur vio­lente à la tête, elle saigne. Elle se retourne pour voir des indi­vi­dus por­tant les masques de Dru­cker, Macron et Boon. Ceux-ci se jettent sur elle et tentent de la vio­ler quand une forme noire inter­vient et les tue.
Aliana Kelly rentre chez elle, un appar­te­ment au mobi­lier mini­ma­liste. Pour seule déco­ra­tion, l’agrandissement d’une photo où elle pose avec qua­torze sol­dats de l’opération Bar­khane. Deux sont morts, dont le capi­taine Sébas­tien Demo­range. Il s’était jeté sur elle pour la sau­ver d’une rafale d’arme auto­ma­tique, au Sahel.

Elle a pris la GoPro por­tée par Boon qui fil­mait la scène. Elle appa­raît dans la der­nière séquence. Depuis qu’elle est ren­trée, la seule per­sonne avec qui elle converse est Isaac Bal­zary, le psy­chiatre imposé par l’armée pour trai­ter son été de stress post-traumatique. Elle doit fuir, mais elle ne veut pas lais­ser Baya, sa demi-sœur de dix ans chez son beau-père, une brute qui la mal­traite.
Com­mence alors la cavale des deux sœurs, Aliana ne s’arrêtant que pour l’has­sa­nate, ces bonnes actions. Elle va ainsi aider nombre de per­sonnes de ren­contre, pour­suivre sa propre quête pour remettre au frère de Sébas­tien la lettre qui lui est des­ti­née. Or, ce frère qu’elle traque est-il un pauvre gars ou une ordure ? Mais pour­quoi, lorsque les cir­cons­tances l’amènent à ouvrir l’enveloppe, ne trouve-t-elle… qu’une feuille blanche ?

La ser­gent Aliana Kelly a été for­mée pour sur­vivre dans un milieu très dan­ge­reux. Son rapa­trie­ment a été rendu néces­saire par son syn­drome. Mais, deve­nue une machine à tuer, elle garde des réflexes aux effets funestes. Ses seuls points d’ancrage sont sa petite sœur, Baya, et son psy­chiatre qu’elle doit consul­ter régu­liè­re­ment dans le cadre de son trai­te­ment.
Pour avoir tué les trois hommes qui agres­saient la jog­geuse, elle se retrouve en cavale tout en recher­chant le frère de Sébas­tien, puis pour régler une situa­tion cri­mi­nelle ayant à affron­ter des indi­vi­dus sans scru­pules, prêts à tuer.
Son atta­che­ment à une cer­taine réa­lité est sa petite sœur qui, sans se plaindre, l’accompagne dans sa cavale.

C’est ainsi qu’elles vont croi­ser la route de dif­fé­rents per­son­nages en situa­tion de détresse, inter­ve­nir pour aider à résoudre leurs dif­fi­cul­tés. Aliana assume alors le rôle d’une sorte de Robin des Bois qui répare les torts à sa manière, une manière forte et défi­ni­tive. Pas ques­tion d’appel de la condam­na­tion devant des tri­bu­naux, de pro­cé­dures sans fin qui n’aboutissent que tar­di­ve­ment lais­sant aux mal­fai­sants le temps de conti­nuer leurs actions délic­tueuses ou quand elles ne s’enterrent pas avec un chan­ge­ment de poli­ti­ciens.
C’est ainsi, qu’entre autres, elle aide une jeune dame à se défaire des dic­tats reli­gieux qui étouffent les femmes ; un éle­veur en butte aux pré­da­teurs, règle à sa manière bien per­son­nelle une affaire de squat…

Avec ces inter­ven­tions, le roman­cier évoque nombre de dys­fonc­tion­ne­ment socié­taux, d’incivilités, d’arnaques, une suite de délits contre les­quels il semble impos­sible de lut­ter. Il réfute nombre de thèses, plus ou moins léni­fiantes, qui pèsent sur des popu­la­tions fra­gi­li­sées, des gens dému­nis tant par leur sta­tut, leur âge, leur degré de pau­vreté…
Avec cette héroïne très atta­chante, Phi­lip Le Roy pro­pose un récit adroi­te­ment et sub­ti­le­ment struc­turé, riche en péri­pé­ties, révé­la­tions, retour­ne­ments de situa­tions et déve­lop­pe­ments à la fois dans l’intrigue prin­ci­pale et dans les nom­breuses intrigues secon­daires. Il met en scène une gale­rie de pro­ta­go­nistes forts bien façon­nés, avec un soin par­ti­cu­lier pour leur spé­ci­fi­cité psy­cho­lo­gique et émotionnel.

Un livre pas­sion­nant qui se dévore avec appé­tit tant le récit est addic­tif, le style tonique et les intrigues fascinantes.

serge per­raud

Phi­lip Le Roy, Aliana — La femme la plus dan­ge­reuse du monde, Cos­mo­po­lis, novembre 2022, 448 p. — 19,95 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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