Les débuts littéraires d’un géant…
Georges Simenon est un des monuments de la littérature du XXe siècle. Selon les estimations de l’U.N.E.S.C.O., il a vendu plus de 500 millions de ses 192 livres, 155 nouvelles et 25 ouvrages à caractère autobiographique.
Si sa vie est connue, les biographies ne manquent pas, celles-ci s’intéressent surtout au romancier arrivé, quand il met en scène son célébrissime commissaire Jules Maigret. Ses débuts restent pour une grande part dans l’ombre. Et c’est cette ombre que Rodolphe souhaite éclipser.
Le scénariste entreprend de raconter les grandes étapes de son enfance, de son adolescence, ses premiers pas comme journaliste jusqu’à ses premiers romans et l’arrivée de Maigret.
À Liège, en 1915, un père demande à son garçon, qui joue avec des soldats de plomb, ce qu’il compte faire plus tard quand il sera grand. Peut-être militaire, mais sa maman voudrait qu’il embrasse la prêtrise. Ce qui l’ennuie dans cette activité, c’est qu’ils sont sans femme.
Or, il aime bien les femmes, tout ce qu’elles cachent dans leurs corsages, et sous leurs jupes. Et puis, lecteur insatiable, il aimerait écrire des livres, inventer des histoires.
C’est en vacances près d’Embourg qu’il rencontre une jolie rousse de quinze ans qui l’initie aux plaisirs de la chair.
Lorsque son père tombe malade, il arrête ses études pour travailler. Ses expériences d’apprenti pâtissier, de commis de librairie, ne le séduisent pas. Il ose pousser la porte de La Gazette de Liège, rencontre le directeur qui le recrute pour la rubrique faits divers. Chaque matin, il téléphone aux commissariats pour connaître ce qui s’est passé dans la nuit. Ses petits papiers séduisent et on lui demande des billets d’humeur. Sa capacité à écrire vite et bien en fait un collaborateur précieux pour le journal.
Mais il rêve de Paris… Si professionnellement il est sur une voie ascendante, sa vie privée est mouvementée. Les femmes y occupent une grande place.
Le récit des premières années éclaire celui qui va accéder à la gloire littéraire. Rodolphe raconte les grands événements de cette ascension, son arrivée à Paris, ses premiers papiers, ses nouvelles, les premiers livres, la naissance de Maigret. Parallèlement il évoque sa vie privée, ses envies, ses rencontres, les femmes de sa vie comme Tigy, son épouse, Henriette, son amante. Il évoque Joséphine Baker qui aurait été sa maîtresse, son pari d’écrire un roman sous l’œil du public, dans une cage de verre…
C’est un récit documenté, qui donne une vision plus nuancée que celle de biographies officielles s’attachant à ne pas abimer la statue du maître.
Le graphisme de Christian Maucler fait merveille dans un style mi-réaliste, mi-caricatural avec ses traits discrets mis en valeur par l’aquarelle dont il fait un usage efficace.
Son héros est fort bien campé, avec ce qu’il faut d’expressivité et de gestuelle appropriée.
Avec cet album, les auteurs proposent un portrait plus vivant, plus attachant, très agréable à découvrir, une biographie des débuts de l’ascension vers un succès planétaire.
serge perraud
Rodolphe (scénario) & Christian Maucler (dessin et couleur), Simenon — Le Roman d’une vie, Éditions philéas, octobre 2022, 120 p. — 20,90 €.