Le Far West d’Hollywood faisait la part belle aux hommes. C’étaient eux les héros ou les affreux. La part féminine de l’humanité était, sauf rares exceptions, confinée à un rôle mineur de femme au foyer ou, au mieux, de mièvre héroïne qu’il fallait sauver.
Olivier Bocquet, dont on peut apprécier la capacité à bâtir une histoire intense avec FRNCK (Dupuis — huit albums), donne la vedette à cinq héroïnes.
Pour se défendre face à une meute masculine qui voulait les mettre à mal, ces cinq femmes, réunies par un destin facétieux, sont en fuite. Elles ont dû tuer. Leurs têtes sont mises à prix, mille dollars chacune. Une telle somme attire tous les chasseurs de prime, ces gros machos voyant un gain facile.
Deux d’entre eux cheminent dans un paysage montagneux, sur un sentier escarpé où un cheval fait un écart. Le cavalier perd ses avis de recherche. Dessous, Chumani, qui se trouve à l’entrée de la mine où elles se sont réfugiées, les récupère. C’est ainsi que le groupe prend connaissance de leur situation.
Daisy, l’ex-institutrice, a été blessée à la jambe et elle ne voit pas d’autre solution que l’amputation. Le seul médecin de la région les dénoncera et, si elle se livre pour être soignée, ce sera la pendaison. Kathleen révèle qu’elle assistait son mari lorsqu’il pratiquait ce genre d’opérations dans le convoi. Mais la seule qu’elle a faite, sur son époux, s’est soldée par la mort de ce dernier.
Elles ne s’arrêtent pas à ce détail et échafaudent un plan pour se procurer, en ville, tout le nécessaire à une telle opération…
La couverture donne le ton du récit, un récit endiablé, d’une grande force narrative, avec ce qu’il faut d’actions batailleuses pour une belle histoire d’aventures musclées. Il faut signaler que cette couverture est conforme au graphisme que l’on découvre à l’intérieur. Trop souvent, la couverture est trompeuse.
Réunissant cinq femmes de conditions sociales très différentes, le scénariste les place dans une situation où elles ne peuvent que faire face aux troupes qui les pourchassent parce qu’elles sont des femmes libres, des femmes qui valent de l’argent. Il rassemble ainsi une esclave noire, une veuve anglaise, une Amérindienne rescapée du massacre de sa tribu, une institutrice blanche à la retraite et une prostituée.
Autour de ce petit groupe, grenouille une belle ribambelle de protagonistes représentant les grandes catégories humaines en matière de psychologie, sachant que le machisme domine. Et ce n’est pas triste. Enfin si !
Anlor assure un dessin à la hauteur des péripéties et marie un trait à la fois réaliste et semi-caricatural. Ses personnages sont superbes, oscillant entre beauté des femmes et disgrâce des males. Mais leur gestuelle est remarquablement rendue. C’est dynamique à souhait dans des décors restitués avec soin.
Elvire de Cock propose, comme à son habitude, une colorisation d’une grande efficacité, donnant aux planches une belle évocation des ambiances.
Ce second tome, aux planches superbes, conforte tout l’intérêt qu’avait présenté le premier volume par son récit échevelé, par sa galerie de protagonistes et par ce groupe de femmes qui suscitent l’empathie.
serge perraud
Olivier Bocquet (scénario), Anlor (dessin) & Elvire de Cock (couleur), Ladies with guns — tome 2, Dargaud, septembre 2022, 64 p. — 16,50€.