Plus qu’un énième récit post-apocalyptique…
Une communauté, fondée sur des bases nouvelles, s’est installée en zone rurale.
Les nouvelles règles éradiquent la violence, les chefs, les dieux et les secrets.
En 2045, dix-ans après le début de l’Effondrement, un groupe de vigies de la Source, sur des échasses, admire le lever du soleil. Une fumée mobilise leur attention. La maison de Josef et Rosa est en feu. Des ruines fumantes, trois corps carbonisés sont extraits, le père et les deux enfants. Rosa est retrouvée au bord du ruisseau, un crucifix planté dans la gorge.
C’est l’effroi car très vite il est prouvé que Josef a été assassiné. Or, il est l’herboriste de la communauté et le seul capable de soigner les nombreux malades touchés par l’épidémie de gastro-intestinale.
Il faut trouver le ou les coupables. Mais les vigies sont formelles : personne n’est entré dans le village pendant la nuit. Daniel demande une enquête et qui, mieux que Rachel est capable d’investiguer? Celle-ci commence par refuser fermement, ne voulant s’occuper que de ses brebis.
Des habitants veulent faire distribuer les quelques armes et la tension monte dans cette communauté. Il faut trouver un nouvel herboriste et, comme le suggère Ibrahim, demander à Selma de revenir bien qu’elle ait quitté le groupe depuis cinq ans après avoir été accusée de meurtre. Rachel, en questionnant les uns et les autres, s’aperçoit que les règles sont bien battues en brèche…
Une catastrophe, l’Effondrement, amène les humains survivants à se regrouper pour tenter de survivre en instituant les bases d’une nouvelle société, puisque l’ancienne a échoué. Il faut abandonner ses idées, ses opinions pour être accepté dans ce refuge. Les auteurs, pour l’instant, sont peu prolixes sur l’extérieur et sur les dangers qui peuvent en jaillir.
Si tous sont égaux, émergent cependant quelques personnages tels Daniel, un prêtre défroqué, Rachel, une ancienne policière, l’Épouvantail… Ce dernier est un individu qui vit seul non loin du village, imprévisible. Il vient prélever une brebis de loin en loin mais il est toléré car il éloigne d’autres rodeurs, faisant, avec ses chiens sauvages, peur à tout le monde. Aussi pourquoi, lorsqu’il regarde les habitations depuis le haut d’un promontoire, a-t-il la larme à l’œil ?
Le titre est ambigu, mais son sens et sa raison trouvent réponse dans l’album.
Trois scénaristes élaborent ce récit. Outre Sylvain Runberg, bien connu des bédéphiles amateurs des scénarii solides, Olivier Truc journaliste, romancier, réalisateur de documentaires et Gilles Branchereau, journaliste à l’Agence France-Presse.
Autour d’assassinats, ces scénaristes développent en un huis clos, les interférences des caractères, les effets de cette menace sur les opinions et les émotions qu’elle suscite, certains n’hésitant pas à vouloir faire sauter les règles et revenir au monde d’avant.
Le dessin de Damour aux traits énergiques, synthétiques reste un peu figé, l’expressivité étant très souvent extérieure aux visages, aux attitudes. Mais sa galerie de protagonistes est bien identifiable par leurs accessoires, que ce soit des lunettes, des casquettes, des chevelures.
C’est Greg Lofé qui assure une mise en couleurs de facture classique, mettant en avant des teintes neutres comme pourraient l’être celles d’une société rurale post-cataclysmique.
Dans ce premier tome du diptyque, les auteurs mettent en place un huis clos remarquable de tension où les sentiments s’exacerbent.
serge perraud
Sylvain Runberg, Olivier Truc, Gaël Branchereau (scénario), Damour (dessin) & Greg Lofé (couleurs), La Source — t.01 : La Gardienne du Talion, Éditions Philéas, août 2022, 88 p. — 18,90 €.