Hélène Carrère d’Encausse, Les Romanov. Une dynastie sous le règne du sang

L’his­toire tra­gique d’une dynastie

Le pre­mier tsar Roma­nov, Michel Ier, fut élu dans le monas­tère Ipa­tiev en 1613. Trois cent ans plus tard, le der­nier tsar Nico­las II est mas­sa­cré avec les siens dans la mai­son Ipa­tiev, non sans avoir tenté de trans­mettre le pou­voir à son frère Michel… On sait que l’histoire est iro­nique et cruelle. Celle des Roma­nov le prouve, pour le grand mal­heur de la Rus­sie et de l’Europe. Hélène Car­rère d’Encausse retrace, avec toute la magie de sa maî­trise de l’histoire russe, la beauté de son style et la clarté de son pro­pos, les heures glo­rieuses et tra­giques de cette dynas­tie flam­boyante.
Car cette famille donna à la Rus­sie de très grands sou­ve­rains : Pierre Ier, Cathe­rine II, Alexandre II. Tous ten­tèrent de résoudre un conflit pro­fond, celui qui oppo­sait la tra­di­tion russo-orthodoxe, ancrée dans le peuple et l’Eglise, à la volonté réfor­ma­trice d’une élite, dési­reuse d’arracher la Rus­sie à ses pesan­teurs et à son archaïsme. Le poids de la cou­pure avec l’Europe qu’a repré­senté l’invasion mon­gole ne cessa jamais de se faire sen­tir. La Rus­sie ne par­vint pas à rat­tra­per son retard, jusqu’à la catas­trophe de 1917 qui la plon­gea dans l’enfer communiste.

Il y a aussi un autre pro­blème, bien mis en lumière dans l’ouvrage, celui des règles de suc­ces­sion jamais bien défi­nie. Ces ambi­guï­tés ont favo­risé les ambi­tions, les cal­culs, les choix per­son­nels des sou­ve­rains pour leur suc­ces­seur, mais aussi la vio­lence. Meurtres, com­plots, régi­cides jalonnent l’histoire de cette dynas­tie où l’on se plai­sait à éli­mi­ner les gêneurs. Tout cela rap­pe­lant les mœurs orien­tales de la cour du Sul­tan. Fina­le­ment, au XIX° siècle, tout sem­bla ren­trer dans l’ordre, jusqu’à la mala­die du tsa­ré­vitch Alexis qui mina Nico­las II et son épouse Alexan­dra et les poussa à com­mettre bien des erreurs… Alors que le main­tien des femmes dans la suc­ces­sion au trône aurait per­mis à Olga de deve­nir l’héritière. Quoi de plus natu­rel dans le pays d’Elisabeth Ier et de Cathe­rine II ?
Douze règnes donc, de por­tée inégale, à che­val sur deux Rus­sie, sans que jamais l’une l’emporte sur l’autre. N’est-ce pas là, en effet, la tra­gé­die des Roma­nov ? L’attachement d’Alexandre III et de Nico­las II à l’autocratie s’explique par leur convic­tion que seul ce régime conve­nait à la Rus­sie. Il les empê­cha d’accepter des réformes consti­tu­tion­nelles de nature à pro­té­ger la Cou­ronne au lieu de l’exposer et de lui faire endos­ser la res­pon­sa­bi­lité de tous les mal­heurs du pays.

En refer­mant ce beau livre, après les pages émou­vantes sur la mort des Roma­nov, on se dit que la Rus­sie n’est vrai­ment pas un pays comme les autres. Et que l’histoire de sa dynas­tie nous en apprend beau­coup sur ses spécificités.

fre­de­ric le moal

Hélène Car­rère d’Encausse, Les Roma­nov. Une dynas­tie sous le règne du sang, Fayard, mai 2013, 442 p. - 24,00 €

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