Le compte à rebours vers le chaos
Les États-Unis sont à feu et à sang, divisés par des clivages sociaux, raciaux qui semblent irréconciliables. C’est dans un contexte contemporain que Luc Brunschwig développe son récit, un récit où il mêle anticipation et critique sociétale. Il met en place un univers subtilement manichéen où des populations s’affrontent sur fond de crise gouvernementale.
Au Sud Vietnam, le soldat Ramsey McKinley photographie les cadavres brûlés au napalm jusqu’au moment où un survivant dégoupille une grenade. On le retrouve cul-de-jatte vivant avec son père, mais toujours photographe. Il travaille pour le No War Man, un journal confidentiel dont les ventes ont décollé après la publication de ses photos.
Darby McKinley, son demi-frère bossu, après un programme gouvernemental ultrasecret, est devenu un concentré d’énergie équivalent à une petite bombe nucléaire. C’est également le cas de Mila Jovanovic, une jeune femme défoncée. Darby est recherché comme le principal suspect dans l’assassinat du président Jimmy Carter.
Pour l’heure, en compagnie de Paolita, une jeune femme noire, et Billy, un garçon qui sait parler aux animaux, ils se cachent. Le Dr Henkel entraîne Mila, la femme-lumière. Il pense que c’est par elle qu’il pourra neutraliser les pouvoirs fantastiques de Darby.
Au tribunal qui juge Gabriel King, accusé de meurtre du Président, son avocat démontre que le dossier à charge, monté à la hâte par le FBI, est vide. Mais le jury est essentiellement composé de Blancs. Les populations, dans la rue, se mobilisent. L’affrontement sanglant semble inévitable…
Si le premier tome de la série n’était pas paru en avril 2019, avant la défaite de Trump, une défaite d’ailleurs toujours contestée, on pourrait supposer que le scénariste s’est inspiré de situations réelles. C’est sans doute le cas car on retrouve des faits, des événements passés au filtre de la fiction. Mais tout le talent de l’auteur est dans l’art de conjuguer ces situations authentiques, cette atmosphère, avec une suite d’actions, de péripéties sans tomber dans la simplicité, dans la caricature.
C’est la dénonciation d’injustices, d’antagonismes. Mais il sait faire évoluer son histoire et, avec une remarquable galerie de protagonistes tous parfaitement campés, quel que soit le bord, le scénariste propose une histoire passionnante, riche en tensions de toutes natures.
Stéphane Perger assure un graphisme en couleurs directes, réaliste, avec des mises en page toniques, des scènes de grande ampleur, des découpages dynamiques. Ses décors sont superbes et les personnages font preuve d’une belle expressivité. Le choix de retenir ces teintes jaunes vives pour représenter la femme et l’homme de lumière éclaire les planches.
Ce troisième tome clôt une série d’exception où, sous couvert d’un hommage aux superhéros, particulièrement à Photonik de Ciro Tota, Luc Brunschwig réinvente le Comics dans un contexte très contemporain.
À lire sans modération !
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario) & Stéphane Perger (dessin et couleurs), Luminary — t.03 : The No War Man, Glénat, Coll. “Hors Collection”, juin 2022, 136 p. – 22,50 €.