Luc Brunschwig & Stéphane Perger, Luminary — t.03 : “The No War Man”

Le compte à rebours vers le chaos

Les États-Unis sont à feu et à sang, divi­sés par des cli­vages sociaux, raciaux qui semblent irré­con­ci­liables. C’est dans un contexte contem­po­rain que Luc Brun­sch­wig déve­loppe son récit, un récit où il mêle anti­ci­pa­tion et cri­tique socié­tale. Il met en place un uni­vers sub­ti­le­ment mani­chéen où des popu­la­tions s’affrontent sur fond de crise gouvernementale.

Au Sud Viet­nam, le sol­dat Ram­sey McKin­ley pho­to­gra­phie les cadavres brû­lés au napalm jusqu’au moment où un sur­vi­vant dégou­pille une gre­nade. On le retrouve cul-de-jatte vivant avec son père, mais tou­jours pho­to­graphe. Il tra­vaille pour le No War Man, un jour­nal confi­den­tiel dont les ventes ont décollé après la publi­ca­tion de ses pho­tos.
Darby McKin­ley, son demi-frère bossu, après un pro­gramme gou­ver­ne­men­tal ultra­se­cret, est devenu un concen­tré d’énergie équi­valent à une petite bombe nucléaire. C’est éga­le­ment le cas de Mila Jova­no­vic, une jeune femme défon­cée. Darby est recher­ché comme le prin­ci­pal sus­pect dans l’assassinat du pré­sident Jimmy Carter.

Pour l’heure, en com­pa­gnie de Pao­lita, une jeune femme noire, et Billy, un gar­çon qui sait par­ler aux ani­maux, ils se cachent. Le Dr Hen­kel entraîne Mila, la femme-lumière. Il pense que c’est par elle qu’il pourra neu­tra­li­ser les pou­voirs fan­tas­tiques de Darby.
Au tri­bu­nal qui juge Gabriel King, accusé de meurtre du Pré­sident, son avo­cat démontre que le dos­sier à charge, monté à la hâte par le FBI, est vide. Mais le jury est essen­tiel­le­ment com­posé de Blancs. Les popu­la­tions, dans la rue, se mobi­lisent. L’affrontement san­glant semble inévitable…

Si le pre­mier tome de la série n’était pas paru en avril 2019, avant la défaite de Trump, une défaite d’ailleurs tou­jours contes­tée, on pour­rait sup­po­ser que le scé­na­riste s’est ins­piré de situa­tions réelles. C’est sans doute le cas car on retrouve des faits, des évé­ne­ments pas­sés au filtre de la fic­tion. Mais tout le talent de l’auteur est dans l’art de conju­guer ces situa­tions authen­tiques, cette atmo­sphère, avec une suite d’actions, de péri­pé­ties sans tom­ber dans la sim­pli­cité, dans la cari­ca­ture.
C’est la dénon­cia­tion d’injustices, d’antagonismes. Mais il sait faire évo­luer son his­toire et, avec une remar­quable gale­rie de pro­ta­go­nistes tous par­fai­te­ment cam­pés, quel que soit le bord, le scé­na­riste pro­pose une his­toire pas­sion­nante, riche en ten­sions de toutes natures.

Stéphane Per­ger assure un gra­phisme en cou­leurs directes, réa­liste, avec des mises en page toniques, des scènes de grande ampleur, des décou­pages dyna­miques. Ses décors sont superbes et les per­son­nages font preuve d’une belle expres­si­vité. Le choix de rete­nir ces teintes jaunes vives pour repré­sen­ter la femme et l’homme de lumière éclaire les planches.

Ce troi­sième tome clôt une série d’exception où, sous cou­vert d’un hom­mage aux super­hé­ros, par­ti­cu­liè­re­ment à Pho­to­nik de Ciro Tota, Luc Brun­sch­wig réin­vente le Comics dans un contexte très contem­po­rain.
À lire sans modération !

serge per­raud

Luc Brun­sch­wig (scé­na­rio) & Sté­phane Per­ger (des­sin et cou­leurs), Lumi­nary — t.03 : The No War Man, Glé­nat, Coll. “Hors Col­lec­tion”, juin 2022, 136 p. – 22,50 €.

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