Les prémices de La Guerre folle
Dans ce diptyque, Philippe Pelaez relate, avec faits historiques et événements authentiques, les prémices de ce qui fut appelé La Guerre folle, ce conflit qui opposa deux cousins pour la conquête de la petite Anne, mais surtout de son duché de Bretagne. Cette guerre s’est déroulée entre août 1487, quand Nantes est encerclé, et juillet 1488. Il se termine par une débâcle de l’armée de Louis d’Orléans et de ses alliés et par la signature du traité du Verger à Sablé.
La fiction n’est pas toujours à la hauteur de la réalité car cette dernière réserve de telles péripéties, retournements de situation qu’elle supplante ce que l’imagination peut produire.
Pierre d’Armagnac se souvient, alors qu’il était jeune adolescent, de son départ de Lectoure assiégé par les troupes de Louis XI. La capitulation a tourné au massacre de tous les habitants.
Jeanne la Boiteuse, épouse de Louis d’Orléans, soigne dans l’écurie où il est étendu, le bossu que Pierre d’Armagnac, dit le Bâtard, a tiré des caves du gibet de Montfaucon. Elle se sent attirée car, comme elle, il est affligé de malformations et laisse voir une humanité qui manque à un mari méprisant.
Anne de Beaujeu, qui a assuré la régence pour son jeune frère, veut mettre la main sur un document remettant en cause la légitimité de Louis d’Orléans au trône. Elle juge que celui qu’elle possède n’est pas suffisamment explicite pour être incontestable. Son homme de main, Axel Lochlain, va s’y employer. Mais Pierre d’Armagnac a promis à Louis d’Orléans de s’emparer de ces preuves qui pourraient lui barrer l’accès au trône. Et il sait qui il doit combattre car Axel est… son frère.
Le scénariste joue avec une belle aisance avec ces personnages réels et leurs parcours. Et il y a matière entre les enjeux de pouvoir, les sectes familiaux, les bâtards, les luttes fratricides, les alliances de circonstance, les complots, traîtrises, trahisons…
Avec ce scénario dense, magnifiquement documenté, c’est le récit d’une page de l’Histoire de France peu connue, mais qui aura des répercussions importantes sur la construction du royaume.
Deux personnages retiennent particulièrement l’attention, l’une réelle, Jeanne la Boiteuse et l’autre de fiction, Quasimodo. Cependant, alors que le titre du diptyque laisse supposer une belle place de ce dernier, il a un rôle relativement mineur dans l’intrigue.
Le dessin signé par Eric Stalner est toujours aussi précis, réaliste, détaillé. Ses personnages sont magnifiquement mis en valeur ; les combats dynamiques font état de leur réalité avec le sang. Il donne des décors reconstitués avec soin comme les vêtements, les ustensiles du quotidien, les armes…
La couleur de Florence Fantini est à l’avenant, reprenant avec soin les teintes en usage à l’époque.
Le Bossu de Montfaucon donne l’occasion de se fondre dans une fresque historique contée avec verve et servie par un graphisme remarquable.
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario), Éric Stalner (dessin) & Florence Fantini (couleur), Le Bossu de Montfaucon – t.02 : Notre-père, Bamboo, coll. “Grand Angle”, mai 2022, 64 p. — 15,90 €.