L’impitoyable vendetta selon Kristøf Mishel — entretien avec l’auteur de Les Damnés du Grand Large

Un nou­veau scé­na­riste enri­chit le cata­logue des Édi­tions Bamboo

L’auteur nour­rit son ima­gi­naire d’histoires étranges, d’ambiances mys­té­rieuses, entre­mê­lant thril­ler et fan­tas­tique pour des énigmes qui semblent impos­sibles à dénouer.
Nou­veau venu dans la créa­tion lit­té­raire, cet énig­ma­tique scé­na­riste pro­pose, avec Les Dam­nées du Grand Large (Bam­boo, label Dra­koo — aout 2022), une his­toire qui conjugue la ven­geance qui tisse sa toile, le spi­ri­tuel contre le phy­sique et l’imaginaire débridé. C’est éga­le­ment une belle réflexion autour de la culture et la cré­du­lité humaine.

Un homme se pré­sente dans une auberge et, contre un repas, il pro­pose un récit qui n’a jamais déçu ses audi­toires. Son his­toire com­mence il y a vingt ans dans un port où des brutes ter­ro­risent tout ce qui est en vie. Pour­tant, un jour, ils com­mettent un crime si abo­mi­nable qu’il va les emme­ner par la folie jusqu’en enfer.
Le pro­pos de séporte sur l’Alicante, un navire mar­chand où un mousse, sur­nommé Rêveur, raconte les évé­ne­ments qui s’y déroulent et qui prennent un tour épou­van­table. Il en résulte un récit pas­sion­nant où la ten­sion ne fait que croître jusqu’à un dénoue­ment peu prévisible.

Ren­contre par Inter­net avec un auteur dont on attend d’autres récits aussi attractifs.

lelitteraire.com : pour­quoi rete­nir un navire comme lieu de ce huis clos ?
Kristøf Mishel : Le grand large a tou­jours fas­ciné autant qu’il a ter­ro­risé. Dès lors, un navire s’imposait comme un des décors de l’intrigue. C’est un lieu clos, sans échap­pa­toire pos­sible et un excellent ter­rain pour faire mon­ter la ten­sion entre les proies et leur prédateur.

Vous pla­cez votre scé­na­rio en 1809 avec une intrigue qui se déroule vingt ans plus tôt. Pour­quoi le choix de cette époque ?
L’époque où le récit se situe était impor­tante. Il y a deux cents ans, les océans étaient des prai­ries où l’imaginaire culti­vait les ter­reurs. L’illettrisme était majo­ri­taire et la révo­lu­tion cou­pait les têtes de ceux qui savaient lire. Dès lors, tous les ingré­dients étaient par­fai­te­ment réunis pour faire infu­ser l’intrigue.

Votre per­son­nage prin­ci­pal, le héros de l’histoire, est un mousse, un gamin appelé Rêveur. Pour­quoi ce sur­nom alors qu’il est très actif ?
L’équipage l’a sur­nommé ainsi parce qu’il passe son temps le nez dans son car­net. Rêve­rie et action ne sont pas incom­pa­tibles, la pre­mière pou­vant ser­vant d’essence à la seconde.

Mais, ne mettez-vous pas en scène, en usant de ces mythes, la peur qu’engendrent les élé­ments natu­rels déchaî­nés, ici les océans ?
Si, bien sûr. L’océan est un des per­son­nages du livre. Tan­tôt déchainé, tan­tôt enfumé, il réveille les peurs ances­trales ancrées en cha­cun de nous.

Ce mousse n’est-il pas d’une roue­rie remar­quable car il mani­pule tout un équi­page ?
Je par­le­rais plu­tôt de rési­lience. Certes, ce gamin est rusé, mais il n’a pas pré­mé­dité ses actions. Il s’est adapté à chaque évè­ne­ment au coup par coup.

En intro­duc­tion, un indi­vidu se pré­sente dans une auberge comme conteur contre un repas. Pour­quoi est-il tatoué sur tout le torse ?
Parce qu’il est arrivé bien des choses à ce conteur avant d’entrer dans cette auberge. Même si cet album est un récit com­plet, il n’est qu’une étape sur le che­min de ce per­son­nage. Cette his­toire est la par­tie immer­gée d’une saga beau­coup plus vaste que je racon­te­rai peut-être un jour si les lec­teurs sont au rendez-vous de cet opus.

C’est Béa­trice Penco Sechi qui assure le gra­phisme. Com­ment avez-vous tra­vaillé avec elle ? Aviez-vous des idées pré­cises sur la phy­sio­no­mie de vos per­son­nages, sur la mise en images des actions ?
On a beau­coup échangé. J’avais une idée assez pré­cise de la psy­cho­lo­gie des per­son­nages et de l’action. Béa­trice su y mettre sa patte et rendre un story-board convain­cant. Elle a un uni­vers, assez proche de celui de Tim Bur­ton, avec un trait un peu manga, un peu ligne claire. Elle a enri­chi cette aven­ture d’initiatives construc­tives, de sa richesse spi­ri­tuelle et d’un enthou­siasme communicatif.

On connaît de vous un titre en lit­té­ra­ture : À la recherche de Mary Eas­ter­way. Com­ment êtes-vous venu au scé­na­rio de bande des­si­née ? Qu’est-ce qui vous attire dans le genre ?
Je suis un enfant de la BD et le scé­na­rio des Dam­nés est venu à moi sous cette forme. Je ne l’ai jamais envi­sagé sur un autre sup­port. La bande des­si­née a cette force de pou­voir mettre en scène des dizaines de figu­rants, de décors avec un inves­tis­se­ment mini­mal pour une puis­sance nar­ra­trice maximale.

Avez-vous d’autres pro­jets ? Si oui, pouvez-vous les pré­sen­ter ?
J’ai été sur­pris de voir que les frasques de mes enfants de papier trou­vaient un écho. C’est récent. J’écris depuis long­temps, mais ce n’était qu’un exu­toire. Du coup, j’ai beau­coup d’histoires à sou­mettre à mon édi­teur. Des thril­lers aussi bien psy­cho­lo­giques, que laby­rin­thiques, fan­tas­tiques ou éco­lo­giques. L’avenir nous dira s’ils passent les étapes du comité de lec­ture. Un nou­veau scé­na­rio remet les comp­teurs à zéro.

Kristøf Mishel, Les Dam­nés du Grand Large, Dra­koo, 2022, 56 p.  — 15,90 €.

Pro­pos recueillis par serge per­raud, pour lelitteraire.com,  en juillet 2022.

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