Un univers féerique d’exception
Avec ce diptyque, le scénariste met en scène tout un bestiaire fabuleux. Outre une kyrielle de fées de différentes natures, un troll, il propose un centaure, des sylves… Il use du changement d’échelle pour donner plus de tension à son récit, faisant des humains de véritables géants par rapport au monde féérique.
L’intrigue est tonique, les courses-poursuites, les actions se succèdent à un rythme soutenu, servies par des dialogues brillants, d’une belle drôlerie. L’auteur propose un vocabulaire décalé qui sied à l’humour des situations. Les patronymes sont cocasses. Les deux autres fées de la ville ne se nomment-elles pas Périf et Karbu ?
Wat est une fée de la ville. Mais elle est contrainte d’aller chez Pruine, une fée des bois, pour récupérer ses ailes perdues lors d’une intervention. Lorsqu’en compagnie de Dorg, une sorte de troll, ils arrivent après moult tribulations, c’est pour constater que les Unseelies, des fées maléfiques, attaquent les êtres magiques pour prendre le contrôle de la forêt.
Or, Pruine qui s’est fait kidnapper par des Unseelies en est devenue la chef. Wat doit se défendre et lutter contre ces fées. Pruine passe un deal avec trois adolescents humains à qui elle propose de leur ouvrir son univers s’ils lui ramènent les deux fées qui sont restées en ville. Les boutonneux, comme elle les appelle, se voient déjà en train de filmer, de diffuser sur les réseaux sociaux et de devenir millionnaires.
La situation est grave car il faut également protéger les autres peuples de féerie…
Cazenove glisse, subrepticement, quelques sentences qui, s’il les applique à l’univers qu’il compose, s’étendent parfaitement à la société humaine. Ainsi une fée reproche l’attentisme et rétorque, lorsque son vis-à-vis met en avant le pacifisme de son peuple : “C’est facile d’être pacifique quand d’autres viennent vous sauver les miches.”
Si le scénario se découvre avec grand intérêt, le graphisme est de toute beauté avec William au dessin et Élodie Jacquemoire à la couleur. Le trait élégant de William fait merveille entre caricature et réalisme pour mettre en images des fées aux silhouettes fort agréables. Mais, il donne des physiques intéressants aux autres protagonistes.
Même les méchantes fées gardent une belle anatomie. La mise en page offre une lecture agréable et les décors font de beaux écrins pour les actions. Élodie Jacquemoire avec un choix judicieux de teintes pastel et son art donne une troisième dimension à ces planches.
Si cette série est destinée d’abord à un public jeune, elle se lit avec grand plaisir quel que soit l’âge.
serge perraud
Cazenove (scénario), William (dessin), Jacquemoire (couleurs), Wat — t.02 : La fée qui ne voulait pas que meure la magie, Bamboo, mai 2022, 48 p. – 11,90 €.