Une enquête qui devient passionnante, mais un peu tard
Les fans de Jean d’Aillon, et ils sont nombreux, connaissent déjà son héros Olivier Hauteville, seigneur de Fleur-de-Lis, qui fut dans un ouvrage précédent innocenté d’une accusation de meurtre par son désormais comparse Nicolas Poulain. Dans son nouvel opus, le docteur ès sciences économiques, qui a longtemps enseigné l’histoire économique et la macroéconomie à l’université, remet en scène son personnage pour enquêter sur la mort d’Henri III.
Nous sommes en août 1589, et voilà une bonne année que le roi de France est exilé à St Cloud, d’où il peine à exercer son autorité face à un peuple de Paris révolté depuis la Journée des Barricades. Ce sont les puissants Guise, déchaînés par l’assassinat du duc, qui tiennent la capitale. Le royaume tout entier se déchire – depuis des décennies, Catholiques et Protestants s’affrontent –, la Ligue catholique a pris un pouvoir sournois, le chef des Huguenots et cousin du roi, Henri de Navarre, ronge son frein, surtout depuis l’alliance entre les deux Henri. Dans ce contexte, le régicide perpétré par un Jacobin, qu’il choque, horrifie ou ravisse, ne surprend pas vraiment. En revanche, l’identité de celui qui est immédiatement arrêté, massacré, jugé et écartelé à titre posthume pose problème à certains. C’est le cas d’Olivier, qui ne reconnaît pas le cadavre, même mutilé, du moine Clément – il a bien connu Jacques Clément avant qu’il ne revête la robe – et aussi de Gabrielle d’Estrées, future favorite du futur Henri IV.
Mêlant comme à son habitude la vraie histoire, toujours méticuleusement reconstituée dans ses faits marquants, et la fiction, d’Aillon entreprend le difficile ouvrage de rendre compréhensible une époque pour le moins complexe et troublée. Il en tire un roman intéressant, avec moult rebondissements et un suspense savamment maintenu. Tambour battant, le récit se déroule, faisant la part belle aux scènes descriptives, aux rappels historiques (qui est qui, en lien avec qui, ennemi de qui…), comme dans les meilleurs polars. Malheureusement, on ne fait pas d’une histoire embrouillée un thriller facile à lire.
Ce qui dérange, dans ce livre, ce n’est pas la plume d’un auteur averti, ni la façon dont il distille les informations nouvelles. Tout cela coule assez naturellement pour être agréable à suivre. En revanche, l’accumulation des personnages – Bassompierre, Cubsac, Aumale, la Guesle, Bellegarde, Mornay, Zamet, Mayenne, pour n’en citer qu’une infime partie, et en précisant qu’ils peuvent être nommés par leur nom ou leur titre, souvent différents – et des factions en présence – la Ligue, les Huguenots, les Catholiques, les Politiques, les Espagnols, les Gardiens de la Foi, dont on n’apprend pas forcément l’identité, de surcroît – contribuent à l’impression grandissante de confusion.
Au lieu de se familiariser peu à peu avec les personnages, le lecteur se trouve très vite perdu au milieu d’eux, avec pour seules solutions de revenir à la liste judicieusement donnée en début d’ouvrage mais incomplète, ou d’accepter de ne plus trop bien savoir qui est qui. D’Aillon semble d’ailleurs conscient du problème, puisqu’il fait précéder chaque sous-partie d’un bref retour sur la biographie du personnage concerné. Mais Dieu que cela alourdit le récit !
Dommage, car l’enquête de Hauteville finit par prendre le dessus (mais après de trop longues pages) et par embarquer le lecteur tenace dans une course-poursuite haletante à travers le Paris du 16ème siècle.
agathe de lastyns
Jean d’Aillon, Dans les griffes de la Ligue, Flammarion, mars 2013, 578 p.- 22,00 €