Une belle démonstration de géopolitique
Dans la Sierra Leone en 1992, Neal, douze ans, et Saad, le fils du directeur de la compagnie De Beers pour la région, veulent montrer à leur amie Eden une surprise en forêt. Sur place, ils perçoivent des présences et se cachent. Ils voient passer des rebelles du RUF (Revolutionary United Front) qui viennent voler les diamants extraits de la mine. Ils assistent à l’exécution sauvage du père de Saad.
Neal, affolé par la tournure des événements, part retrouver son père, resté dans son atelier, en ville. Ce qu’il découvre le met dans une rage folle. Il tue deux rebelles avant d’être capturé et emmené après avoir été forcé de faire un acte abominable.
De nos jours, Tanya Rigal, journaliste à Mediapart, est convoquée par la police dans la chambre d’un hôtel genevois où l’informateur qu’elle devait rencontrer a été assassiné. Elle trouve sur place une femme, Amanda Sharp, qui se présente comme faisant partie du département d’État, en fait de la CIA.
James Songbono se présente à la prison de Frankland, au Royaume-Uni, pour le poste de médecin. Après de nombreuses missions éprouvantes pour MSF, il éprouve le besoin de souffler. Compte tenu de ses références, il est embauché.
Neal n’a pas d’autre choix que se soumettre à l’autorité de Cobra, le chef du groupe rebelle. Sous la férule d’un vieux soldat, Le Sergent, il devient un guerrier, un tireur d’élite, ayant toujours, toutefois, l’espoir de pouvoir retrouver sa mère.
Tanya se retrouve impliquée dans une affaire terrible quand elle découvre que c’est le tueur de son informateur qui lui a donné rendez-vous à Genève et qui lui a envoyé un dossier plus qu’explosif… Un tueur qui la connaît, qui sait où elle habite…
Le romancier propose de suivre trois parcours, à des époques différentes, parcours dont la progression est faite de violences et de carnages. Autour des années où l’enfant-soldat Neal participe aux actions révolutionnaires, plus des pillages qu’une recherche d’amélioration sociale des populations, la quête de Tanya pour comprendre des rouages ténébreux et la poursuite d’un objectif longtemps mystérieux de James, l’auteur tisse des trames d’une grande tension, des intrigues d’une belle efficacité.
Il aborde de front le sort des enfants-soldats, le pillage des richesses, le trafic des diamants. Il dépeint ces groupes armés qui, sous prétexte de restituer le pouvoir au peuple, sont aussi des outils de prédation des ressources. Il cite les interventions à contretemps de l’ONU, du FMI où des technocrates prennent des décisions sans connaître l’état des lieux, les buts des protagonistes, des choix ineptes pris du fond de bureaux climatisés selon des dogmes politiques et économiques dépassés, d’un autre âge. Il décrit des militaires de l’armée du Congo, de piètres combattants plus doués pour la rapine, pour tabasser des civils désarmés, violer les femmes et des enfants.
Chaque protagoniste fait l’objet d’un portrait détaillé revenant sur les origines, les ethnies, l’entourage qui gravite autour de lui, son environnement et peaufine des caractères, des profils psychologiques particulièrement étudiés. Avec ces personnages, c’est la description au vitriol, mais si proche d’une réalité, de situations en Afrique, de concurrence entre des services, de représailles. Entre les mercenaires, les services plus ou moins secrets, le journalisme d’investigation, il y a matière à se régaler des péripéties et des nombreux rebondissements.
De la Sierra Leone à Genève, de Washington à Frankland, de Paris au Cap, de Monrovia à Nice le romancier détaille le destin fracassé de Nael, la quête de vérité de Tanya, la vengeance de James ne laissant aucun répit à son lecteur tant la tension s’amplifie.
Avec Un coin de ciel brûlait (vers emprunté à Jacques Brel), Laurent Guillaume signe un roman noir géopolitique qui accroche l’intérêt par la justesse de ses propos et la tonicité des actions.
serge perraud
Laurent Guillaume, Un coin de ciel brûlait, Folio, coll. “Policier” n° 965, juin 2022, 464 p. – 8,20 €.