Rémi Pépin, Banlieue noire

Des ban­lieu­sards fort singuliers 

En mai 2022, les Édi­tions du cherche midi pro­posent une nou­velle col­lec­tion dénom­mée Bor­der­line.
Celle-ci se défi­nit comme un uni­vers lit­té­raire de liberté pour pré­sen­ter des textes :  “Des fic­tions sans gêne, sans le filtre des nou­veaux caté­chismes, des textes qui, ailleurs, seraient épu­rés jusqu’à l’os par ces sen­si­tive rea­ders inven­tés par le nou­veau monde.

Le pre­mier office se com­pose de trois titres, deux réédi­tions que sont M’appelle pas fillette ! de Mickey Spillane, Shaft shaft shaft ! d’Ernest Tidy­man et une nou­veauté avec Ban­lieue noire de Rémi Pépin.
D’un for­mat 13x19, ils se pré­sentent sous une cou­ver­ture souple et brillante.

C’est dans la ban­lieue est de Paris, à Mon­treuil, que se déroule l’histoire por­tée par trois anti­hé­ros venus de la cité du Bel-Air. Tout com­mence quand deux jeunes lou­bards voient un homme en train de mou­rir après avoir été per­cuté vio­lem­ment par une 404. Puis l’auteur pré­sente Jean-Claude, Nono et Riton, les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes du drame. Riton, le chef du gang sort de la pri­son de Fleury où il vient de pas­ser six mois pour le dépouillage en règle d’un pavillon. Jean-Claude, de taille impo­sante, est un voleur de voi­tures. Nono a été privé de per­mis de conduite ce qui l’oblige à prendre les trans­ports en com­mun où il fait de mau­vaises ren­contres.
Ces trois gaillards veulent fri­mer dans ce qui se fait de mieux, à leurs yeux, en matière de voi­tures. Ils ont passé un mar­ché avec Mar­cel, un fer­railleur, réuni l’argent néces­saire pour une Trac­tion Avant, une 15/6, celle : “…qui attire les gon­zesses comme le miel les mouches.”

L’affaire faite, après cepen­dant une petite ral­longe escro­quée par le ven­deur, ils décident d’arroser l’événement. Au bar, un homme se joint à eux pour finan­cer des tour­nées. Mais, après force liba­tions, c’est un conduc­teur pas­sa­ble­ment émé­ché qui s’installe au volant et …plante la belle Trac­tion dans le mur en meu­lière d’un pavillon. Si les trois amis s’en sortent sans trop de bobos, l’inconnu, assis à la place du mort, semble jus­ti­fier l’appellation.
Pani­qués, ils cachent le corps dans un ter­rain en friche et font dis­pa­raître ce qui reste de la voi­ture. Mais se sou­ve­nant qu’ils n’ont pas rendu le corps ano­nyme, ils retournent sur les lieux. Le mort a disparu…

Avec un ton très humo­ris­tique rap­pe­lant San Anto­nio ou Michel Audiard, un vocable truffé à l’argot, un rythme enlevé, une des­crip­tion fine des actions, des dif­fé­rentes étapes qui mènent vers une chute peu pré­vi­sible, Rémi Pépin enchante par sa gouaille. Il a le chic pour offrir des images fort par­lantes et appro­priées à la situa­tion.
Mais il ne fleu­rit pas le décor, retra­çant ce que peut être une cité aban­don­née des pou­voirs publics avec la faune qui s’y déve­loppe. Il anime un uni­vers de petits mal­frats qui tentent par des moyens, divers et variés, de sub­sis­ter. L’auteur donne un récit où la consom­ma­tion d’alcool ferait hur­ler de fureur des membres de ligues prô­nant la sobriété.

Plaçant son his­toire au début du mois de mai 1980, les per­son­nages font peu de cas de l’élection de Fran­çois Mit­ter­rand à la pré­si­dence de la Répu­blique. Ce n’est pas leur monde. Et dans ce registre, Rémi Pépin vise juste.
Avec des situa­tions sin­gu­lières, des per­son­nages hors cadre, le roman­cier signe un livre pas­sion­nant, où les bons mots le dis­putent à un sus­pense fort bien mené.

serge per­raud

Rémi Pépin, Ban­lieue noire, le cherche midi, coll. “Bor­der­line”, mai 2022, 280 p. — 15,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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