Un polar noir à l’intrigue efficace
C’est avec une grande satisfaction que l’on retrouve Yann Gray, ce policier quelque peu singulier et la galerie de personnages empathiques qui l’entourent. Il souffre d’hyperosmie, conséquence d’une blessure par balle reçue en service.
Après avoir promené son héros dans le milieu des sosies (Pâle copycat), au cœur de l’aéroport de Roissy (Piste au noir), c’est au Salon de l’agriculture que Yann va devoir enquêter.
À Paris expo Porte de Versailles, la nuit, les bêtes se reposent. Dans son box, la Goulue, une truie de Chine de trois cents trente kilos sent une présence inhabituelle. Elle renifle, s’assure que c’est inoffensif et alors, à grands coups de groins gourmands, elle mange cette viande chaude.
Quelques heures avant, Yann Gray, Valentine, la femme qui partage sa vie, Robin, le fils de celle-ci âgé de huit ans, ont accueilli Mamounette, la mère de Valentine, qui rentre des terres incas et aztèques avec une nouvelle lubie : les horoscopes.
Au petit matin, quand il pénètre dans le Hall n°1, Yann est assailli par un déchaînement d’odeurs. Il rejoint le légiste près de ce qui reste du corps après le repas de la Goulue. Ces restes ne permettent pas de comprendre les causes de la chute dans le box, les raisons de la mort ni une quelconque identification. Personne n’est porté disparu parmi les exposants, les éleveurs. Les trois vigiles n’ont rien remarqué à part le retour bruyant de fêtards.
Qui est cet homme ? Comment et pourquoi est-il venu dans ces lieux ? Comment est-il mort ? Autant de questions auxquelles Yann Gray va devoir répondre sans semer la panique tant parmi la population des éleveurs et exposants que parmi le public.
L’intrigue est conçue de façon habile, efficace, pleine d’implications quotidiennes et humaines, mettant en scène des sentiments refoulés, des espoirs déçus, des projets avortés et de la haine cuite et recuite. Ici, foin de flic super intelligent, mais un homme qui réfléchit, pense, assemble des données pour arriver à un résultat.
Le romancier mêle à la progression de l’enquête, nombre d’actes de la vie personnelle du policier, lui conférant, une dimension humaine particulièrement intéressante. Entre les liens qu’il entretient avec le fils de Valentine, les rapports avec elle, avec Mamounette et sa propre mère qui le prend, à chaque visite, pour son défunt mari, le travail sur ses buis, sa façon de se loger, on entre de plein pied dans une intimité profonde.
Parallèlement, l’auteur lève le voile sur une partie du fonctionnement du Salon de l’agriculture, propose l’envers du décor, celui vécu par des éleveurs-exposants et des vigiles. Il donne une belle description de différentes races de vaches, énumérant pour nombre d’entre elles, leurs qualités, allant jusqu’à définir leur caractère et les réactions surprenantes que peuvent avoir ces mammifères. Il fait aussi ressentir la passion des fermiers pour leurs animaux.
Un roman riche en découvertes qui se dévore, non pas à la manière de la Goulue, mais avec un ravissement décuplé de lecture.
serge perraud
Yves Hugues, Signe de terre, l’aube coll. “Noire”, mars 2022, 200 p. – 17,90 €.