Maxime Michelet, L’invention de la présidence de la République

Napo­léon l’habile

Bien peu de nos contem­po­rains connaissent l’origine de la pré­si­dence de la Répu­blique, qui serait née avec la Ve Répu­blique. Ils liront donc avec inté­rêt le brillant ouvrage d’un jeune et pro­met­teur his­to­rien, Maxime Miche­let, qui ana­lyse la nais­sance de cette fonc­tion en 1848 qui reste atta­chée au nom de Louis Napo­léon Bona­parte.
Et ce, d’autant plus que l’auteur trouve dans le man­dat du neveu de Napo­léon 1er les ori­gines de notre propre pré­si­dence. Le livre unit donc d’une manière har­mo­nieuse l’histoire ins­ti­tu­tion­nelle et poli­tique de ces années cru­ciales de la IIe République.

Contrai­re­ment à la vul­gate, les consti­tuants de 1848 avaient doté le pré­sident de pou­voirs très limi­tés, et toute l’habileté de Louis-Napoléon Bona­parte résida dans sa capa­cité à rame­ner une par­tie de l’exercice du pou­voir vers lui. Loin de l’image du par­fait idiot ou du com­plo­teur com­pul­sif ama­teur de coups d’État, le futur Empe­reur appa­raît comme un poli­tique fin et manœu­vrier, capable de bien sen­tir les évo­lu­tions de l’opinion, fort du sou­tien d’une grande par­tie de la société, et pas seule­ment des pay­sans, sachant se faire connaître et appré­cier.
Sa can­di­da­ture comme sa pré­si­dence incar­naient l’indépendance natio­nale, la sou­ve­rai­neté popu­laire, l’ordre, les acquis de 89, le rayon­ne­ment de la France. En fait, il était tout sauf un acci­dent de l’histoire.

De sur­croît, comme le démontre très bien Maxime Miche­let, les consti­tuants com­mirent des erreurs qui s’avéreront fatales. “En ins­tau­rant l’élection directe du chef de l’État, [ils] ont désta­bi­lisé leur propre édi­fice en ouvrant la voie à l’élection d’un homme capable de per­son­ni­fier les droits et la volonté du peuple.” Comme l’avait dit un oppo­sant à cette pra­tique: “Votre pré­sident sera consi­déré comme le peuple fait homme”.
Ces mots, avouons-le, résonnent à nos oreilles… Entre cette légi­ti­mité et celle héri­tée de sa famille, Louis Napo­léon Bona­parte dis­po­sait d’une supé­rio­rité dont il enten­dait bien user. Et il le fit, dès sa pré­si­dence avec une pra­tique du pou­voir et de la repré­sen­ta­tion qui res­semble à celle de nos pré­si­dents (vie prin­cière, céré­mo­nial, récep­tions, clan autour du président.)

Le coup d’Etat ne fut donc pas un acci­dent mais le fruit d’une logique poli­tique dans laquelle l’Assemblée eut sa part de res­pon­sa­bi­lité. Maxime Miche­let le démontre avec clarté et conviction.

fre­de­ric le moal 

Maxime Miche­let, L’invention de la pré­si­dence de la Répu­blique, Passés/Composés,  2022, 390 p. — 24,00 €.

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