Il est vrai qu’il y a pléthore de présentations, tant dans les médias que sur les réseaux dits sociaux, qui promettent monts et merveilles. On se dit qu’il faut être bien sot pour se laisser prendre, par exemple, par la proposition de martingale infaillible afin de gagner aux jeux.
Pourquoi son inventeur ne l’utilise-t-il pas pour son propre compte ? Par altruisme, sans doute ?
Ce phénomène social ne pouvait échapper à un scénariste tel qu’Éric Corbeyran qui construit, dans ce cadre, une histoire s’appuyant sur la souffrance des gens dans un climat morose. Il imagine un personnage, un individu en fait très solitaire, qui se retrouve face à une série de déboires et qui va perdre ses repères. Il risque d’entamer une descente sociale menant à la rue et décide de réagir.
Xavier Guignard est venu à la cousinade parce que Carole, son épouse, a insisté. Il retrouve deux cousins qui lui rappellent le gamin, sans intérêt, qu’il était et dont ils se moquaient. Xavier boit pour oublier l’affront et, au retour, vomit dans la voiture de Carole.
Entretemps, il a entendu vanter les bienfaits d’Happytech qui a changé radicalement la vie d’une jeune femme. Elle est heureuse aujourd’hui.
Le lendemain, pour Xavier, les problèmes s’enchaînent au point de lui pourrir sa journée. Ils commencent quand il rabroue une jeune femme qui mendie dans le métro. Et il s’ensuit une soirée aussi catastrophique au point que Carole fait sa valise. Les jours suivants ne sont pas plus heureux. Il perd son emploi. Il comprend qu’il est dans une spirale infernale.
Il se souvient alors des propos sur Happytech et trouve, sur Internet, le clip de la société présenté par une jeune femme en qui il reconnaît celle qui faisait la manche dans le métro, point de départ de ses nombreux déboires. Il n’aura de cesse de la retrouver pour comprendre…
Le scénariste introduit très vite des éléments troublants, des faits bizarres qui intriguent Xavier. Et celui-ci se met en quête pour comprendre comment fonctionne cette entreprise merveilleuse (dans le clip publicitaire), et ce qui se cache derrière cette mirifique façade.
Avec son sens habituel du récit, Corbeyran concocte une intrigue fouillée, soulevant des questions très actuelles en proposant un regard acéré sur notre société.
Alessia Fattore, qui demeure en Italie, assure un dessin réaliste, avec quelques touches caricaturales. Elle donne des personnages expressifs, des attitudes conformes à leur état d’esprit et propose des cadres d’évolutions intéressants. C’est à Giulia Priori que l’on doit la mise en couleurs. Elle respecte le cadre, les ambiances et fait en sorte que les teintes qu’elle retient donnent une réalité quotidienne.
Cette première partie s’inscrit dans une satire sociale mordante, pose des questionnements dans un récit captivant où le graphisme se regarde avec grand plaisir.
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serge perraud
Éric Corbeyran (scénario), Alessia Fattore (dessin) & Giulia Priori (couleur), Happytech – t.01 : Le Bonheur nuit à la santé, Delcourt, coll. “Machination”, mars 2022, 64 p. – 15,50 €.