Ah vengeance, quand tu nous tiens…
La Guerre folle, dénommée ainsi par Paolo Emilio dans un ouvrage paru en 1581, s’est déroulé entre 1485 et 1488. Elle opposa une coalition de Seigneurs à Anne de Beaujeu, régente du royaume depuis la mort de son père, Louis XI, en 1483.
C’est ce cadre que retient Philippe Pelaez pour installer un récit où il mêle, avec maestria, des événements historiques et des situations de fiction, des personnages authentiques et des protagonistes issu de la littérature comme Quasimodo et de l’imagination comme l’aventurier écossais au service d’Anne.
Un groupe de cavaliers approche du gibet de Montfaucon. Pierre d’Armagnac, le fils bâtard de Jean d’Armagnac, vient chercher Quasimodo qui se laisse mourir près du cadavre de sa bohémienne.
Anne de Beaujeu, la fille aînée de Louis XI est régente du royaume en attendant que son frère Charles, âgé de quatorze ans, puisse accéder à la royauté.
En 1484, à Tours, lors des États généraux, Louis d’Orléans tente, sans succès, de se faire reconnaître comme régent de droit du royaume. Il s’allie alors à François II de Bretagne, duc de la grande province, en conflit avec le royaume de France.
Jeanne, dite la Boiteuse, épouse de Louis d’Orléans, héritier de la couronne de France après Charles VIII, trouve dans Quasimodo l’être qui pourrait la sortir de la solitude où elle se morfond.
Et une course féroce s’engage entre Pierre d’Armagnac, motivé par la vengeance et l’appât du gain, et un homme de main d’Anne de Beaujeu pour un document qui bouleversera les données, pendant que les grands du royaume se révoltent contre le pouvoir royal…
C’est la triste fin des héros de Notre-Dame de Paris qui a marqué le scénariste. Il a voulu donner une nouvelle existence à Quasimodo et un écho féminin avec Jeanne. L’action du roman de Victor Hugo commence en 1482, les soubresauts politiques de l’époque trouvaient naturellement leur place. Philippe Pelaez propose une succession de complots, d’actions militaires, la poursuite d’une vengeance, des secrets pouvant remettre en cause des légitimités.
Il imagine la rencontre entre un personnage crée dans un roman publié en mars 1831 et Jeanne La Boiteuse, personnage réel ayant à souffrir également de malformations physiques. Elle a été mariée par Louis XI, son père, car il était persuadé qu’elle ne pourrait procréer, entraînant ainsi, de fait, l’extinction de la lignée des Orléans.
Le dessin d’Éric Stalner est toujours aussi réaliste et efficace. Il donne à sa galerie de protagonistes une haute tenue avec son art de concevoir des “gueules” de toute beauté. Il fait exprimer de belle façon la haine, la colère, la soif de pouvoir, l’ambition, la cupidité, mais aussi la tristesse, la peine et l’espoir. Si les personnages masculins ne sont pas des modèles de beauté, il magnifie les personnages féminins leur donnant beau visage et belle silhouette, même à Jeanne réputée avoir le même nez que son père.
Son travail sur les décors est documenté et la tonicité des scènes d’actions, des combats est remarquable. C’est à Florence Fantini que la mise en couleurs a été confiée. Et celle-ci propose de belles ambiances et des atmosphères réussies.
Un premier volume très attractif pour le rappel ou la découverte de ce conflit quelque peu oublié (mais, il y en a tant eu !) et pour la mise en scène superbe d’une intrigue forte faite par les créateurs.
lire un extrait
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario), Éric Stalner (dessin) & Florence Fantini (couleurs), Le Bossu de Montfaucon – t.01 : Notre-sœur, Bamboo, label “Grand Angle”, février 2022, 64 p. – 14,90 €.