Un catalogue de l’ignominie humaine
Avec ce que laisse supposer un tel titre, l’auteur engage, une large exploration de la face noire de l’humanité, pendant une période qui s’étend sur de nombreux siècles. Autant dire que c’est un sujet où la matière ne doit pas manquer. Aussi, Jean Verdon partage-t-il son livre en huit parties, bornées dans l’espace et dans le temps.
Il explore l’Occident chrétien, consacrant, toutefois, un chapitre à la cour byzantine, lieu qui fut un digest remarquable dans le domaine, avec ses spécificités. En effet, la motivation essentielle était la prise du pouvoir. En mille ans : “65 empereurs sont détrônés par des révolutions, dont 41 périssent de mort violente.” Les femmes, ayant plus de possibilités d’accès au trône, s’invitent sur le devant de la scène. Certaines sont célèbres comme Théodora, Irène, Théophano et autres Zoé, pour ne citer que “les meilleures”.
Jean Verdon débute son étude en dressant la liste des principales raisons, illustrées d’exemples, qui poussent à intriguer, comploter, trahir. (Rassurez-vous, ce sont les mêmes aujourd’hui !) On trouve donc le goût du pouvoir, la cupidité, l’amour et la haine… Les moyens les plus employés sont la calomnie, le fer et le poison. Puis, il montre que toutes les couches sociales sont concernées, y compris la gente religieuse qui excelle même dans ces exercices. Celle-ci dispose, de plus, d’un magnifique réseau d’espionnage, à faire rêver tous les monarques, les tyrans, par le biais de la confession.
L’auteur s’attache ensuite aux cours Carolingiennes, puis Capétiennes. Après, il nous invite à visiter d’autres cours où le “vitriol” est monnaie courante comme celle d’Henri II d’Angleterre avec, là, un “cador” en la matière, Richard Neuville, le comte de Warwick, surnommé le faiseur de rois. Après, il consacre un chapitre entier au monde religieux, que ce soit pour l’accession à la charge suprême ou la défense des avantages acquis par un clergé toujours plus avide de biens et d’honneurs
Il s’attarde également sur le milieu familial avec un long chapitre intitulé Famille je vous aime, paraphrasant, avec humour, la fameuse phrase d’André Gide Famille je vous hais ! Il termine son étude par un survol des attitudes prises après la découverte des intrigues, complots et trahisons. Faut-il pardonner ? Faut-il punir ? Là aussi, il énumère tous les cas de figure qui ont été retenus.
Dans ce livre, émerge la figure de Louis XI. L’auteur l’évoque régulièrement et on retrouve, au fil des situations étudiées, ce roi atypique qui fut autant fomenteur que victime dans les trois catégories. Il a, cependant, donné plus qu’il a reçu puisqu’en soixante ans, dont vingt-deux de règne, il sut rester en vie et imposer la plupart de ses vues. Frédégonde est une autre championne. Celle qui devint reine de Neustrie, après quelques meurtres pour éclaircir le paysage, est accusée par Grégoire de Tours, un chroniqueur célèbre du VIe siècle, d’apparaître vingt-six fois comme auteur de trahisons.
Jean Verdon brosse un panorama érudit, décrivant un nombre stupéfiant d’intrigues, trahison. Si la plupart consistait à garder ou à prendre le pouvoir, la haine se révèle un excellent moteur de vocation dans le domaine.
On pourrait, cependant, faire un léger reproche à l’auteur. Celui-ci a tant de cas à évoquer qu’il s’astreint à une concision qui ne facilite pas toujours la compréhension des tenants de la situation, la connaissance des protagonistes de l’affaire. En contrepartie, Jean Verdon publie une bibliographie abondante pour permettre un approfondissement de certains points. Mais l’ensemble donne une large vue de l’inventivité en ce domaine, des turpitudes humaines pour être attractif et captivant.
serge perraud
Jean Verdon, Intrigues, complots et trahisons au Moyen Age, Perrin, juin 2012, 288 p. – 19,90 €.