Sir John Franklin, mourant, est horrifié par ce qu’il voit, par les extrémités auxquelles sont arrivés les membres de son expédition dans l’Arctique.
Le récit revient quelques semestres auparavant quand, très fier, il veut faire visiter à son épouse, Lady Jane, les deux navires qui permettront de mener à bien sa nouvelle expédition, la recherche du passage dit du Nord-Ouest. Il s’agit d’une voie maritime qui relierait l’océan Atlantique avec le Pacifique en passant par le nord du continent américain. Depuis le XVe siècle, cette route est restée infranchissable malgré les nombreuses tentatives de marins-explorateurs.
John Franklin a 59 ans lorsque le 19 mai 1845, il emmène avec lui 128 hommes. Un an se passe, puis deux et personne n’a de nouvelles. Lady Jane se démène pour organiser des opérations de secours.
Sur les deux navires immobilisés, la situation se dégrade. Pourtant ces deux navires, l’Erebus et le Terror, bénéficient des nouvelles technologies, des inventions de pointe à l’époque. Mais les réserves fondent, les maladies s’installent. Bien qu’ayant embarqué dix mille citrons, le scorbut fait son apparition et, en compagnie de la dysenterie, du botulisme, de la consomption, produit des ravages. Le médecin de l’expédition est convaincu que les conserves, dix mille boîtes de viande, sont avariées, les couvercles mal soudés au plomb.
Face à cette glace qui ne veut pas fondre et qui a enserré les navires à partir de septembre 1846, une partie de l’équipage, parmi les plus vaillants, décide de partir vers le sud pour chercher des secours. Ils laissent les malades, les blessés dans un campement de fortune. Il faut se nourrir absolument, certains osent le cannibalisme.
Reconstituant les faits en compulsant une conséquente documentation, en extrapolant avec réalisme des situations à partir d’événements similaires, Michel Durand retrace les différentes étapes de cette tragédie qui mènera à la mort la totalité des équipages.
Il assure scénario et dessin, des dessins réalistes mis en couleurs de façon lumineuse par Alexandre Boucq.
Un dossier historique fouillé, agréablement illustré, signé par Stéphane Dugart, Secrétaire général de la Société des Explorateurs Français, retrace la vie de Franklin, ses expéditions.
C’est un récit terrible que propose Michel Durand, osant quelques hypothèses mais n’occultant pas l’instinct de survie de l’être humain qui le pousse à des actes qui semblent, quand on est bien nourri, bien au chaud, odieux.
serge perraud
Michel Durand (scénario et dessin) & Alexandre Boucq (couleurs), Franklin — Les Prisonniers de l’Arctique, Glénat, coll. “Explora”, janvier 2022, 64 p. – 15,50 €.