Un cambriolage de tous les dangers
Horodamus le Gaulois et Berkan le Numide sont des bandits de grand chemin et de véritables « losers ». Ils sont en embuscade sur la piste qui mène d’Utique à Carthage. Cette dernière est assiégée par les légions romaines depuis trois ans. Les deux brigands aperçoivent un convoi et, dans le même temps, sur la colline d’en face, un groupe important de Numides. Une fois encore, ils vont devoir se contenter des restes ! Mais la chance semble leur sourire, la jeune femme, pour laquelle est organisé le convoi, échappe à ses assaillants… pour se jeter dans leurs bras.
Ils se cachent. Après le départ des Numides, commandés par des Romains, Horodamus, en bon mâle primaire, ne pense qu’à abuser de la jeune femme avant de la vendre aux Berbères. Celle-ci ne semble pas les craindre. Au contraire, elle leur propose un plan qui les rendra immensément riches. Elle allait à Carthage envoyée par la Famille d’Utique, la plus grande guilde de voleurs, afin d’être vestale de Tanit-face-de-Baal et avoir accès aux salles remplies d’or. La ville étant sur le point de tomber, personne ne fera attention au temple et à ses richesses.
Appâtés, Horodamus et Berkan acceptent et accompagnent Tara. Mais, celle-ci n’a pas tout dit. Sur place, nombre de déconvenues les attendent…
Appollo, qui a déjà signé les scénarii de remarquables séries comme La Grippe coloniale ou Commando colonial, aime l’Afrique. Il est d’autant plus motivé pour écrire cette histoire, qu’il est né en Tunisie où se trouve le site de Carthage. Il place son récit lors de l’ultime guerre punique menée par Rome, qui s’achève en – 146 avant Jésus-Christ par la destruction totale de la ville. Il imagine l’organisation d’un vol prodigieux, s’emparer des richesses d’une idole, en profitant d’une situation de flottement dans une société menacée de disparaître. Pour ce faire, il met en scène deux “bras cassés” proches des Pieds Nickelés. Il les intègre dans une équipe dont le niveau n’est guère supérieur au leur. Il compose, ainsi, une belle brochette de truands, à l’instar de ceux qui hantent des westerns spaghettis. Il revendique, d’ailleurs, cette source d’inspiration pour cette série.Dans cette histoire, Appollo fait, cependant, la part belle aux dames, leur donnant un rôle plus lumineux qu’aux hommes, qui assurent des emplois peu glorieux. Ce récit baigne dans un humour débridé, tant dans les dialogues que dans les situations.
Le graphisme est assuré par Hervé Tanquerelle qui offre, grâce à son excellente maîtrise de la technique du crayon gras un dessin rond, jubilatoire, riche en mouvement. l reconstitue une Carthage plus vraie mais dont l’authenticité reste soumise à interrogation. En effet, que reste-t-il de la splendeur de cette ville ? Des écrits de l’époque relatent une organisation avancée, les ruines peuvent donner une idée de ce que fut cette cité, mais la “reconstruction” laisse la part belle à l’imagination. Ainsi, la ville proposée par le dessinateur est magnifique et sert d’écrin à un récit musclé, mis en page de façon superbe et efficace.
Que peut-on demander de plus à un récit d’aventures, doublé d’une comédie, si ce n’est des dialogues pétillants, de l’humour, des réflexions cocasses servis par une mise en images de qualité ? Rien !
serge perraud
Appollo (scénario), Hervé Tanquerelle (dessin), Isabelle Merlet (couleur), Les Voleurs de Carthage, tome 1 : “Le Serment du Tophet”, Dargaud, mars 2013, 56 p. – 13,99 €.