Jean-Marc Rivière & Gabriel Andrade Jr, Les enquêtes de Machiavel – t.01 : “La Voix du mal”

Machia­vel bien avant Le Prince

En mars 1498, alors que Savo­na­role prêche dans les rues, une bande de gamins joue avec la neige jusque sur l’Arno gelé. Sou­dain, la glace se rompt sous le poids d’un gar­çon qui tombe sur un corps immergé.
Nic­colò crie son ennui dans la salle où il doit, en com­pa­gnie de Naldo, ordon­ner les archives. Le chan­ce­lier lui donne du tra­vail de copie quand un capi­taine vient cher­cher un secré­taire. Nic­colò se porte immé­dia­te­ment volon­taire. Il doit aider un com­mis­saire à éclair­cir l’assassinat de l’homme trouvé sous le Ponte Vec­chio. Mais quand il découvre le com­mis­saire avec qui il a un sérieux pas­sif, il veut retour­ner aux archives. Sa demande est refu­sée et il se trouve au cœur d’une sombre his­toire, un com­plot à la fois reli­gieux et poli­tique où il va devoir défendre sa vie à défaut de défendre ses idées…

Avant de deve­nir le maître de la pen­sée poli­tique moderne, Nic­colò Machia­vel a du faire ses pre­mières armes dans une Flo­rence en ébul­li­tion. Certes, cela a été le cas à de nom­breuses reprises, mais avec Savo­na­role, ce moine domi­ni­cain qui ins­ti­tua une dic­ta­ture théo­cra­tique de 1494 jusqu’à sa mort, pendu puis brûlé, le 23 mai 1498, le période a été féconde en évé­ne­ments. Il ins­taure un régime d’austérité, invente le bûcher des Vani­tés pour brû­ler tout objet impli­quant le luxe, le nar­cis­sisme, la fri­vo­lité et la ten­dance à se détour­ner du spi­ri­tuel au pro­fit du maté­riel. Bot­ti­celli a dû jeter au feu cer­taines de ses toiles !
Tous ceux qui ont été écar­tés du pou­voir rêvent de le recon­qué­rir, les Médi­cis en tête. On mesure une fois encore les jeux per­vers de la papauté prête à tout pour gar­der la pré­émi­nence et le luxe dans lequel les pré­lats se vau­traient. Un moine qui prêche le dénue­ment doit être vite réduit au silence.

Le scé­na­riste donne une belle vision de cette époque, de ces remous qui secouent la cité de Flo­rence en 1498 en mêlant, cepen­dant, suf­fi­sam­ment d’actions pour ne pas avoir une simple bio­gra­phie. Il évoque les tra­fics de fausses reliques, les débuts de l’imprimerie et donne, dans ce pre­mier volume, un récit dyna­mique, mon­trant le tour­nant dans la vie de Machia­vel.
Le gra­phisme se par­tage entre Gabriel Andrade Jr pour le des­sin et Elvire de Cock pour les cou­leurs. Le des­sin, comme il sied à une telle série, est réa­liste avec des décors magni­fi­que­ment recons­ti­tués, que ce soient les bâti­ments et les monu­ments de Flo­rence ou les pay­sages ruraux qui entourent la cité. Les per­son­nages sont bien repré­sen­tés et res­tent faci­le­ment iden­ti­fiables tout au long de l’album mal­gré l’évolution des mimiques en fonc­tion des sen­ti­ments, des émo­tions. On mesure un tra­vail docu­men­taire cer­tain sur les acces­soires, les vête­ments, qui donnent une vérité aux planches. Elvire de Cock pro­pose des éclai­rages d’intérieurs d’une grande maté­ria­lité en res­pec­tant le mode de l’époque, mais en ouvrant de belle manière à une lumi­nes­cence qui n’obscurcit pas les scènes. Les clar­tés d’un mois de mars très enneigé sont fort bien restituées.

Ce pre­mier album met en place un per­son­nage emblé­ma­tique, le pré­sente dans sa jeu­nesse, il a alors dix-neuf ans, le confronte à une intrigue s’appuyant sur des faits authen­tiques avec ce qu’il faut de fic­tion pour dyna­mi­ser le tout.
Le sédui­sant gra­phisme apporte une dimen­sion sup­plé­men­taire au récit.

serge per­raud

Jean-Marc Rivière (scé­na­rio), Gabriel Andrade Jr (des­sin) & Elvire de Cock (cou­leurs), Les enquêtes de Machia­vel – t.01 : La Voix du mal, Glé­nat coll. “24 x 32″, sep­tembre 2021, 56 p. – 14,95 €.

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