…plutôt que côtoyer l’enfer !
Philip Le Roy propose une anthologie de nouvelles noires “à lire avant de mourir”. Et certaines sont très, très noires ! Dans une note d’introduction, le nouvelliste explicite sa démarche en se référant à deux auteurs réputés dans le genre et développe ses propres conceptions. Il précise l’esprit qui l’a animé lors de l’écriture de ces textes, des textes parus sur son site.
Il a conçu ses nouvelles comme des cocktails Molotov qu’il lance contre l’hypocrisie : “…contre les belles façades d’un monde d’illusion et de faux bonheur. Des histoires monstrueuses pour mieux traquer la monstruosité de l’humanité.”
Il ouvre le bal avec un homme comblé par la vie qui écrase tout sur son passage jusqu’à… Une femme se venge de son époux d’une macabre façon. C’est une vieille dame qui… Ce sont deux accros aux jeux vidéo qui vont déclencher la guerre ultime, etc. Ses écrits comportent de quatre mots à huit mille sept-cent-quarante. Avec La plus courte histoire du monde, au titre plus long que le texte, il bat le record établi en son temps par Hemingway qui avait fait six mots “À vendre : chaussures bébé, jamais portées”.
Si certaines sont inspirées de faits réels, la majorité relève de l’imagination fertile de l’auteur, imagination puisant cependant, dans des éléments de notre société, des actes ordonnancés, mis en perspective de belle manière. C’est ainsi qu’il traite de la violence aveugle, du racisme, du terrorisme, de l’escroquerie, de l’adultère, de la vengeance. Mais surtout, il épingle la bêtise, la bêtise crasse de ceux qui se croit supérieurs, de ceux qui ne permettent pas d’avoir un autre avis, une autre opinion, une autre croyance. Il met en scène quelques-unes des innombrables faiblesses humaines.
Les réseaux sociaux, par leurs côtés sociopathes, semblent le fasciner et lui offrent l’occasion de proposer des textes puissants, d’une force narrative qui stupéfient par la vérité qu’ils professent.
Philip Le Roy place beaucoup d’ironie, d’humour noir, celui-ci, cependant, teinté d’une certaine tendresse pour quelques personnages, Il fait preuve d’une grande culture, cite nombre d’auteurs, puisant dans la connaissance populaire pour illustrer des situations, renforcer des arguments. Et des arguments, il en a pléthore sur nos travers contemporains, sur notre façon d’aborder certains événements, certaines situations.
On retrouve fréquemment un personnage exerçant, avec plus ou moins de bonheur, l’activité d’écrivain.
Philip Le Roy avait montré qu’il excellait dans l’art romanesque, mais avec ce recueil il fait montre d’une capacité peu commune à capter l’attention de son lecteur en quelques mots d’introduction pour le mener, tambour battant, jusqu’à une chute percutante.
Un délice de lecture !
serge perraud
Philip Le Roy, Qui veut gagner le paradis ? Anthologie des 42 nouvelles noires à lire avant de mourir, Cosmopolis, avril 2021, 320 p. 19,95 €.