Dans cette première partie, Hubert a rassemblé, dans un univers médiéval fantastique, toutes les composantes de ces contes où un chevalier délivre une princesse. Après quelques péripéties, ils se découvrent jeunes, beaux, se marient et… mais le scénariste intègre des éléments qui, très vite, font dévier le cours attendu et donnent une tonalité curieuse. Le conte tourne à l’aigre.
La princesse, elle est belle, possède des capacités peu ordinaires qui l’excluent, de fait, de la société. Le chevalier n’a rien d’un prince charmant et les trois vieilles ne ressemblent pas à des fées attentives et bénéfiques. Loin de là !
Aidé par son écuyer pour se tenir debout parce qu’il est passablement éméché, Arzhur est apostrophé par des hommes qui lui rapprochent de déshonorer la chevalerie. Il engage un combat… perdu d’avance.
À l’écart du village, il est accosté par trois vieilles femmes qui lui offrent de l’or pour délivrer une jeune fille de sang royal. C’est l’occasion d’une seconde chance. Le roi, son père, le récompensera et lui permettra de se racheter. Malgré la mise en garde de son écuyer, il accepte. Après un mois de voyage, ils arrivent en vue d’un château noir où, d’après les vieilles, la princesse Islen est prisonnière d’horribles créatures.
Au moment du combat, les vieilles lui confient une épée, la seule capable de trancher les monstres. Et, il tranche si bien qu’il ne reste que la princesse qui se désespère de la mort de ses animaux. Elle traite Arzhur de monstre. Les trois femmes veulent entraîner la jeune femme qui résiste. Elle ne veut pas rester en leur compagnie, mais rentrer chez son père. Arzhur envoie son écuyer demander une escorte. En cours de route, seule avec lui, Islen raconte. Elle possède des pouvoirs venant de sa mère. Celle-ci a ravagé le royaume et tous redoutent sa fille.
Victime d’un complot ourdi par les vieilles dépitées de voir leur proie s’échapper, Arzhur et Islen vont devoir s’allier pour se défendre… et vite…
Avec Islen, le scénariste se penche sur l’héritage, raconte l’importance de la transmission, le poids légué par les géniteurs. Elle a reçu les dons que détenait sa mère, des dons encore plus puissants qui la font craindre et qui l’isolent. Elle se retrouve seule, une exception, dans un pays peuplé de gens ordinaires. Mais, si tout le monde a peur d’elle, elle est aussi terrifiée.
Le chevalier porte un secret, il a fait une énorme erreur qui la met au ban de la société. Hubert réunit deux parias, chacun à sa manière, chacun à la recherche d’une rédemption.
Vincent Mallié assure la mise en images. Avec un trait réaliste, puissant, il met aussi superbement des séquences intimes de confidences entre les deux héros que les combats ou les ravages provoqués par les pouvoirs déchaînés des deux femmes, la mère et la fille. Il use adroitement de cadrages, d’une répartition très étudiée des cases dans la planche pour donner une lecture d’une agréable facilité. Il propose de nombreux détails qui mettent en valeur le récit. Ses décors sont attractifs et il donne une belle expressivité à ses protagonistes.
Un premier volume à la lecture fort plaisante tant pour la qualité du scénario d’Hubert que pour le travail graphique de Vincent Mallié.
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serge perraud
Hubert (scénario) & Vincent Mallié (dessin et couleurs), Ténébreuse — Première partie, Dupuis coll. “Aire Libre”, octobre 2021, 80 p. – 19,95 €.