Ce roman a pour cadre les Pyrénées catalanes avec la construction d’une station nouvelle, une coopération franco-espagnole, en vue d’une candidature pour des JO d’hiver. Cette région sauvage et isolée appartient en grande partie à la famille Dalmau. Elle a construit un manoir qui domine une cité industrielle dénommée La Colonie, aujourd’hui abandonnée. Seul l’ancien gardien a l’autorisation d’occuper son logement de fonction. La dernière descendante de la famille, Béatrice, vit recluse dans le manoir.
Dans ce cadre, le romancier fait intervenir une jeune femme tourmentée par un passé douloureux. Elle a l’habitude d’enquêter en solo et a du mal à faire équipe avec ce lieutenant, Jean Cassel, du commissariat central de Toulouse.
Jordi Llobregat plante le décor, le fait découvrir peu à peu, le détaille, ouvre des fenêtres sur les principaux personnages, leurs parcours et donne à lire le journal de Raquel où celle-ci raconte les épreuves qu’elle a vécues depuis que, petite fille juive, elle a traversé les montagnes pour fuir les nazis.
Il y a vingt-deux ans, un groupe d’enfants joue dans la montagne. Il découvre un bunker. Natalia propose de tirer au sort celui qui passera une nuit dans les lieux, prouvant ainsi sa témérité. Alejandra, sa jeune sœur, triche et c’est elle qui reste. Au matin elle est réveillée par son père affolé, Natalia a disparu.
Quelques années plus tard, un homme saute du sommet d’un barrage hydraulique.
Álex Serra est sous-inspectrice à la Division d’investigation criminelle de Barcelone. Elle est interrogée pour avoir tiré, en intervention, sur son équipier.
Daniel Latour retourne dans la cellule du séminaire où il a passé deux ans avant d’être poussé dehors. Il trouve ce qu’il cherchait et se rend à un rendez-vous.
Álex est suspendue après un nouvel incident dans la salle d’attente d’un psy.
L’Espagne et la France construisent une station de sports d’hiver géante dans les Pyrénées pour une candidature aux JO d’hiver. Des opposants pratiquent de l’obstruction, des sabotages. Des équipes de surveillance sont mises en place. C’est un agent, lors d’une ronde, qui découvre un cadavre dans le bassin gelé de la future piscine.
Parce qu’elle parle français, qu’elle a vécue toute son enfance en montagne, Álex est réintégrée, à l’essai, et envoyé séance tenante sur les lieux. Il s’agit de Daniel Latour, travaillant comme ingénieur sur le chantier, embauché sur recommandation de l’influente famille Dalmau. Il a les mains liées dans le dos, un P gravé sur le front et les paupières cousues. C’est le premier cadavre. Suivront d’autres sans qu’Álex et son collègue français puissent les empêcher. Mais, à réveiller les vieux démons, elle se retrouve en grand danger…
La mise en scène des meurtres est chargée de symboles qui sont difficiles à interpréter sans avoir le code, un code que l’un des agents qui travaille avec Álex va trouver. Le lien est Dante et sa Comédie, ce magistral poème si magnifiquement illustrée, plus tard, par Gustave Doré. L’auteur joue avec des rapports peu connus entre des personnes, des liens ténus qui viennent du passé pour intervenir sur le présent. Il développe un extraordinaire dédale de liaisons pour créer une toile où les enquêteurs s’engluent.
C’est un récit subtilement mené, avec un art de la narration et une façon de présenter les éléments qui ne permet pas d’en saisir la signification profonde immédiatement. La tension monte crescendo, le romancier joue avec les nerfs de ses lecteurs avec cette intrigue qui oscille entre thriller et fantastique.
Le travail sur les protagonistes, sur leurs spécificités, leur psychisme, est détaillé. S’appuyant sur un texte très connu, mais en fait très peu lu, il construit un roman remarquable avec une héroïne en souffrance depuis l’enfance. La conclusion, difficile à prévoir, donne toutes les clés de l’intrigue et livre tous les secrets.
Toutefois, elle reste ouverte, semble-t-il, pour une suite qu’on ne peut qu’appeler de tous nos vœux tant les romans de Jordi Llobregat sont passionnants.
serge perraud
Jordi Llobregat, Les Sept châtiments (No Hay Luz Bajo La Nieve), traduit de l’espagnol par Vanessa Capieu, le cherche-midi, octobre 2021, 464 p. – 21,00 €.