Une nouvelle série concoctée par le prolifique Christophe Arleston qui joue avec toutes les variations possibles de la Fantasy, son domaine de prédilection.
Le premier personnage que rencontre le lecteur est l’astrante Irliti Milti Tidzi Zill qui recherche dans sa garde-robe. Elle est chargée de l’éducation du prince Altek et de sa sœur Lythek. Ils ne sont guère attentifs. Il est fatigué par les entrainements aux armes et elle ne se sent pas concernée car elle ne peut pas être impératrice. Altek, qui doit être couronné le lendemain, ne veut pas être empereur.
Un silence les alerte et des mercenaires, envoyés par l’oncle Lompyste, le régent, surgissent pour tuer. Oncle Grish arrive et ils sortent victorieux du combat. Mais Lythek a été blessée par une arme empoisonnée. L’antidote la sauve mais a des effets secondaires comme la narcolepsie. C’est à ce moment qu’Irliti constate que le soleil n’en finit pas de se coucher. La planète a ralenti sa rotation. Altek est mis en sécurité mais il se plaint de ne pouvoir être lui-même. Grish lui explique que son père, pour qu’il puisse régner, l’a fait passer pour un garçon depuis sa naissance.
La cérémonie du couronnement a commencée par une traîtrise. Elle est reportée quand le régent, profitant d’une manifestation solaire sur la lune satellite, demande qu’Altek sillonne l’empire pour prier les Invisibles et faire repartir la rotation. C’est un piège grossier mais Altek, aux yeux du peuple ne peut se dérober…
Avec ce diptyque, Arleston compose un nouvel univers où la magie prend un aspect plus technique. Il initie une situation de crise avec une planète qui, stoppée dans sa rotation, offre une face toujours éclairée et brûlante alors que l’autre reste dans une obscurité glacée, les deux étant invivables. La situation des populations est critique, celles-ci ne pouvant vivre constamment dans la frange, la bande qui sépare ces deux mondes nouveaux.
L’auteur mêle une religion vouée aux Invisibles, comme toute religion d’ailleurs. Il conçoit une intrigue aux multiples rebondissements, aux coups de théâtre fort bien amenés et aux situations bien difficiles pour les héros.
Il compose, pour animer son intrigue, une galerie de protagonistes originaux, riche en capacité d’empathie pour les uns, riche en capacité de nuisances pour d’autres. On retrouve cette constante chez le scénariste, à savoir donner la première place aux femmes, en faire de véritable héroïnes, positives, dynamiques, sachant prendre les bonnes décisions, laissant à des hommes le rôle de loser.
Bien sûr, un récit d’Arleston sans son humour débridé se conçoit difficilement. Et là encore, il régale de situations décalées, de bons mots, de moins bons aussi mais si cocasses.
Le graphisme est l’œuvre de Dana Dimat pour le dessin et de Florence Torta pour les couleurs. Avec un dessin au trait léger mais précis, Dana Dimat donne vie à une belle série de personnages tant de nature humaine qu’animalière. Elle sait rendre le dynamisme des nombreuses actions, des combats, comme montrer les sentiments et émotions des uns et des autres. Elle fait preuve d’une créativité remarquable pour mettre en images ce nouvel univers.
Florence Torta place des couleurs vives, éclatantes et donne à voir une belle palette de teintes lumineuses.
La présentation graphique de l’album est superbe. Le récit est découpé en actes portant un titre révélant l’esprit du contenu à la façon de ces romans du XIXe siècle où les titres des chapitres induisaient l’action.
Deux corbeaux assurent une sorte d’intermède humoristique et décalé.
Un premier tome addictif pour la découverte de ce nouvel univers, pour l’intrigue que l’on a plaisir à suivre, pour l’humour cher au scénariste et pour un graphisme d’une grande beauté.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Dana Dimat (dessins) & Florence Torta (couleurs), La Baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner : Volume 1, Bamboo, label “Drakoo”, octobre 2021, 80 p. – 15,90 €.