Madeleine Riffaud, Jean-David Morvan & Dominique Bertail, Madeleine résistante – t.01 : “La Rose dégoupillée”

Quelle héroïne déterminée !

Dis-donc Rai­ner… Tu vas enfin l’ouvrir ta gueule, oui ? …on doit racon­ter la vérité… Si tu conti­nues à la fer­mer, tous nos cama­rades morts à dix-sept ans, per­sonne ne s’en sou­vien­dra.” C’est par cette sor­tie de Ray­mond Aubrac, grande figure parmi les Vrais Résis­tants, en 1994, que Made­leine Rif­faud ouvre la pré­face de l’album, un texte plein d’émotions et de sen­si­bi­lité. Elle a été ame­née à se sou­ve­nir, à témoi­gner, à racon­ter son enga­ge­ment dans la résis­tance. Elle avait choisi Rai­ner, le pré­nom du poète Rai­ner Maria Rilke, comme nom de code dans la résis­tance.
Elle raconte éga­le­ment com­ment Jean-David Mor­van a réussi à la convaincre, avec l’aide de Jean-Louis Boc­quet, de par­ti­ci­per au scé­na­rio de la pré­sente bande des­si­née. On entre dans un témoi­gnage unique, celui d’une femme qui fera de l’engagement pour la liberté, pour la vérité, le fil rouge de sa vie.

L’album débute en 1931 dans le vil­lage de la Somme ou Made­leine est née de parents ins­ti­tu­teurs. Elle aime lire et grim­per aux arbres. C’est là que des galo­pins de son âge viennent la cher­cher car ils ont trouvé un obus de la Grande Guerre. Sa mère l’appelle et quand elles repartent, elles entendent l’explosion qui tue les gar­çons. C’est son pre­mier contact avec la guerre et ses drames.
En 1939, son père, éga­le­ment chas­seur, lui apprend à se ser­vir d’un fusil, à conduire une auto­mo­bile. Mais, en 1940, sur les routes de l’exode, elle vit les mitraillages des stu­kas alle­mands. De retour à Amiens, elle est humi­liée par des Alle­mands. Elle décide alors de trou­ver ceux que les enne­mis appellent les ter­ro­ristes et de se battre à leurs côtés.

La tuber­cu­lose la rat­trape après le ter­rible choc émo­tion­nel causé par la mort de son grand-père dont elle dit : “…cer­tai­ne­ment l’homme que j’ai le plus aimé dans toute ma vie.” Elle part pour un sana­to­rium près de Gre­noble. Or, elle n’a que seize ans et pour l’accompagner son ancienne logeuse pro­pose l’aide son fils. Celui-ci la rejoint à Chalon-sur-Saône pour lui faire pas­ser la ligne de démar­ca­tion. En atten­dant la pos­si­bi­lité de pas­ser, il l’emmène à l’hôtel où il la vio­lera.
Et, c’est un gar­çon ren­con­tré pen­dant son séjour au sana­to­rium, dont elle tombe amou­reuse, qui va lui faire accom­plir ses pre­mières mis­sions. Puis elle com­mence à s’investir pour des actions plus importantes…

C’est à un tra­jet de vie, d’engagement que cet album nous convie à décou­vrir, l’existence dans des condi­tions dif­fi­ciles d’une jeune femme volon­taire, déter­mi­née, au carac­tère bien trempé. Le récit décrit un quo­ti­dien banal, une suite de faits qui ne relèvent pas de l’héroïsme à la façon de super­hé­ros ou d’un James Bond.
C’est le cou­rage pour mener à bien des actions mal­gré la ten­sion constante face à un dan­ger connu mais incer­tain dans son arrivée.

Ce pre­mier tome d’une tri­lo­gie se ter­mine par un récit en quatre pages où Jean-David Mor­van, cro­qué par Domi­nique Ber­tail, raconte avec beau­coup d’humour ses contacts avec Made­leine pour la convaincre. Quatre autres planches inti­tu­lées Quelques sou­ve­nirs sup­plé­men­taires, donnent en rédac­tion­nel illus­tré des pré­ci­sions sur cer­tains lieux, cer­tains des pro­ta­go­nistes de l’histoire.
Le gra­phisme de Domi­nique Ber­tail, qui réa­lise des­sin et cou­leurs, est superbe. Il mixte des traits encrés avec un lavis bleu du plus bel effet pour des des­sins réa­listes qui accrochent le regard. Il mul­tiple les angles de vues, pro­pose des per­son­nages expres­sifs repré­sen­tés avec élé­gance. Il les place dans des décors où il s’autorise de belles perspectives.

Ce pre­mier volume est remar­quable à tous points de vue, tant pour la force du témoi­gnage, sa res­ti­tu­tion, que pour des planches par­ti­cu­liè­re­ment attractives.

serge per­raud

Made­leine Rif­faud & Jean-David Mor­van (scé­na­rio), Domi­nique Ber­tail (des­sin et cou­leurs), Éloïse de la Mai­son (archives), Made­leine résis­tante - t.01 : La Rose dégou­pillée, Dupuis, coll. “Aire Libre”, août 2021, 128 p. – 23,50 €.

 

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