C’est la réédition, au format de poche, d’un ouvrage initialement publié en 1987. Préfacé par Yannick Haenel, postfacé par J.-B. Pontalis — tous deux dithyrambiques -, et classé dans “Les Grands Romans“ (nom de la collection dont il fait partie), ce livre mince en est drôlement desservi, d’autant qu’il est issu d’un projet modeste : se mettre à la place d’un père qu’on n’a pas bien connu, et dont la vie n’eut rien de vraiment extraordinaire.
Né vers la fin du XIXe siècle, en Russie, Simkha a suivi le parcours désigné pour nombre d’autres jeunes Juifs doués pour les études, partant en faire d’abord à Odessa, puis à l’étranger (dans son cas, en France). S’étant orienté vers la médecine, pour des raisons pratiques davantage que par vocation, il a fini par se spécialiser en stomatologie. Marié à 32 ans (assez tard pour un homme de sa génération), il ne trouve guère de satisfactions auprès de sa femme et de leurs deux enfants.
Le texte laisse entendre que le protagoniste n’était pas très affectueux, qu’il se méfiait des sentiments et qu’il était porté à se comporter en tyran domestique au petit pied, cherchant à imposer sa volonté pendant un certain temps, avant de céder (le plus souvent).
Sous l’Occupation, il change de nom et emmène sa famille en zone libre où il pourra exercer au noir dans un cabinet dentaire. Lorsque les Allemands arrivent à Saint-Etienne, il échappe de peu à une rafle, après avoir mis les enfants à l’abri dans une école catholique. Cette partie du récit, la plus dramatique, est assez concise ; ce n’est pas sur elle que l’auteur a misé pour bouleverser le lecteur.
De fait, le texte devient vraiment poignant — et bien plus captivant qu’au fil de l’histoire du jeune âge et des années où Simkha était un vrai chef de famille -, à l’étape où le protagoniste commence à souffrir d’une maladie qui perturbe à la fois sa vue et sa conscience. De plus en plus diminué, toujours moins apte à s’orienter, à s’exprimer et à mener une réflexion suivie, il est aussi humilié par la nécessité de se muer en patient — que ses confrères de naguère reçoivent d’une façon à la limite de la maltraitance.
Ce déclin physique et intellectuel donne paradoxalement lieu aux plus belles pages du roman, où Pierre Pachet arrive à transmettre à la fois une série d’états d’esprit très subtils, bien plus riches qu’auparavant, et la baisse progressive des capacités du protagoniste. Grâce au dernier tiers du récit, on ne regrette pas d’avoir ouvert ce livre.
agathe de lastyns
Pierre Pachet, Autobiographie de mon père, Autrement, septembre 2021, 218 p. – 10,00 €.