Un récit drôle et poignant sur un sujet difficile
Le scénario d’Ingrid Chabbert est l’adaptation d’un roman, au titre éponyme, signé par Gilles Paris et paru en 2002 chez Plon. Ce fut un succès, le livre s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires et a été traduit en vingt langues. Il a fait l’objet de deux adaptations cinématographiques, l’une pour la télévision en 2007 sous le titre C’est mieux la vie quand on est grand, la seconde un film d’animation pour le cinéma en 2016 sous le titre Ma vie de Courgette.
Icare, qui est surnommé Courgette, décide de tuer le ciel car les nuages font du mal à sa mère, handicapée et alcoolique. Il associe ciel, nuages gris et gifles. Il s’empare du pistolet rangé dans une commode et sort pour tirer. Le bruit alerte sa mère qui, voulant lui prendre l’arme, déclenche le coup de feu qui lui est fatal. Courgette se réfugie au grenier comme il en a l’habitude pour échapper aux raclées.
Lorsqu’un voisin passe la tête par la trappe, le garçon lui jette des pommes. C’est Raymond, un gendarme, qui l’apprivoise. Sa mère morte, son père parti depuis longtemps avec une poule pour faire le tour du monde, un juge confie Courgette au foyer des Fontaines. Emmené par Raymond, il est accueilli par la directrice et prise en charge par Rosy, l’animatrice.
Il fait connaissance avec ses camarades de chambre, Ahmed qui pisse au lit, Simon, provocateur et violent… Tous, comme lui, ont eu une enfance blessée.
C’est la découverte d’une nouvelle école, l’attente de la visite de Raymond qui s’est attaché à lui. Et c’est l’arrivée de Camille amenée par sa tante…
Courgette est l’un de ces nombreux enfants qui ont des parents en grandes difficultés. Son père est parti avec une autre femme. Sa mère a perdu l’usage d’une jambe dans un accident d’auto. Elle sombre dans une dépression qu’elle soigne avec de la bière et du whisky.
Courgette a besoin d’amour et comprend maladroitement, du haut de ses neuf ans, les difficultés de sa mère et tente de l’aider. L’accident l’amène à découvrir un autre univers, des gens aussi cassés mais qui ont su surmonter les traumatismes de drames identiques.
Ingrid Chabbert adapte au plus près l’œuvre originale, privilégiant la première personne, en l’occurrence Courgette. Elle expose son point de vue d’enfant, préservant une innocence et une naïveté qui rendent le personnage très attachant. Mettant en avant les pensées du jeune héros, elle livre un récit juste, empreint de spontanéité.
Cette tragédie, ce placement dans ce foyer va permettre à l’enfant de débuter une nouvelle vie, de se sentir intégré dans un groupe, presque une famille. Et le rapprochement avec Camille va lui ouvrir des perspectives sentimentales capables de soigner tous les maux.
Pour la mise en images, Camille K. a choisi le dépouillement. Elle propose des illustrations simples, presque enfantines. Elle campe les personnages avec des traits synthétiques, à mi-chemin entre réalisme et caricature mais toujours très explicites tant pour les attitudes que les sentiments. Les décors sont esquissés pour laisser l’œil se fixer sur l’essentiel en fait, les personnages. Elle a retenu des couleurs douces qui s’accordent parfaitement aux ambiances définies par le scénario. Elle met régulièrement des dessins du héros, dessins réalisés à la façon d’un enfant.
Les auteures offrent une adaptation particulièrement réussie, faisant passer, malgré les thématiques difficiles, un récit qui les traite avec justesse, optimisme, humour, mettant en avant les aspects positifs que peuvent avoir des situations difficiles.
serge perraud
Ingrid Chabbert (scénario à partir du roman au titre éponyme de Gilles Paris) & Camille K. (dessin et couleurs), Autobiographie d’une courgette, Éditions Philéas, avril 2021, 128 p. – 17,90 €.