Dans cette intrigue, la romancière infiltre ses marieuses dans les coulisses de Buckingham Palace et dans l’histoire de la Grèce lorsque le pays passait d’une royauté à une démocratie et vice-versa dans les premières décennies du XXe siècle.
Iris Sparks et Gwendolyn Bainbridge ont ouvert le Bureau du Mariage Idéal depuis cinq mois vers Mayfair. Elles ont résolu une affaire criminelle. Elles se trouvent à l’étroit dans leur local pauvrement meublé. Les bureaux vides d’à côté les tentent mais il faut qu’elles fassent plus de mariages. Aussi, quand Patience Matheson se présente, une cousine de Gwen proche de la famille royale anglaise, elles sont très attentives.
Celle-ci, connaissant le succès sur l’affaire La Salle (Le Bureau du Mariage Idéal, 10/18 – n° 5582), est là pour Elisabeth qui, à treize ans, s’est entichée de Philip qui en avait dix-huit. Elisabeth est l’héritière présomptive de la couronne. Philip est un prince grec. Son père est mort en 1944 criblé de dettes. Sa mère, Alice de Battenberg, a fait plusieurs séjours en clinique psychiatrique. Ses quatre sœurs ont épousé des Allemands dont deux membres du parti nazi.
Une lettre, destinée à la princesse, est lourde de menaces. Quelqu’un est en possession de ce que Talbot a trouvé à Corfou. Il y aura un prix, est-il écrit, si Alice veut récupérer ce qui lui appartient. Et le nom de Talbot réveille un souvenir lointain dans la mémoire d’Iris.
Les voilà lancées sur le passé d’une famille royale et sur la trace de tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont approché Alice avant la naissance de Philip…
C’est un délice de retrouver ces deux dames qui s’investissent pour le bonheur de leurs semblables et qui se retrouvent amenées à traiter des cas difficiles. En faisant enquêter les deux jeunes femmes sur des événements s’étant déroulés dans le début des années 1920, la romancière retrace une belle page d’histoire.
Ce sont les soubresauts et les tribulations de la famille royale de Grèce qui sont au cœur de l’intrigue avec les agents troubles que l’Angleterre entretenait dans cette zone.
Parallèlement, les passés d’Iris et de Gwen sont un peu plus dévoilés bien que le rôle d’Iris au sein des services secrets britanniques reste encore mystérieux. Mais des liens avec des personnages douteux laissent supposer un passé bien tumultueux. La cohabitation des deux héroïnes, l’une venant du peuple, l’autre de l’aristocratie, donne l’occasion de scènes et de réflexions très humoristiques. Les dialogues sont pétillants et apportent une bonne dose de cocasserie.
Autour de ces deux piliers du récit, Allison Montclair anime une galerie de seconds rôles riche en variété de caractères avec des profils assez typiques cependant.
L’intrigue est solide et les nombreuses péripéties s’enchaînent, confrontant les héroïnes au danger, à la mort et à une belle série de mystères. Avec un récit solidement documenté, la romancière nourrit son livre de nombre d’informations passionnantes sur le quotidien des habitants de Londres en 1946, sur les restrictions, sur les familles royales comme, par exemple, le fait qu’Alice de Battenberg était sourde de naissance. Sa mère lui avait fait donner une éducation lui permettant de lire sur les lèvres… en quatre langues.
Toutefois, il semble y a avoir un petit problème de généalogie entre le neveu et le frère d’Andréas en page 78.
Avec ce nouveau volet des enquêtes de Sparks et Bainbridge, la romancière propose un récit passionnant servi par un duo d’héroïnes empathiques, un style alerte, une écriture fluide et une bonne dose d’humour.
serge perraud
Allison Montclair, Un mariage royal — Une enquête de Sparks et Bainbridge (A Royal Affair), traduit de l’anglais par Anne-Marie Carrière, éditions 10/18, n° 5672, coll. “Grands détectives”, Juin 2021, 384 p. — 8,10 €.