Quand la décapitation est d’actualité
Dans la soirée, un aveugle, avec son chien Aristote, se promène vers Notre-Dame de Paris. Il entend un son étrange alors qu’un homme, avec des jumelles au comble du zoom, tente de voir ceux qui utilisent une scie à pierre, puis une lime.
Au matin, Thomas veut peindre la cathédrale comme il en a l’habitude chaque jour. Il voit une dizaine de statues étêtées et part prévenir le commissariat.
La veille, Chrétien Bompard, qui vit mal son divorce et posséde une certaine aptitude à pressentir les catastrophes, a l’intuition d’un danger. En pleine nuit, la police est prévenue de la découverte d’un corps de femme sans tête. Sur place, Chrétien constate que le corps, entièrement épilé, porte le tatouage d’une dame de pique sur la fesse droite.
Bompard, qui a vu la veille Thomas réaliser un tableau représentant des statues décapitées avec une collerette, fait le lien avec la morte. Le peintre s’effondre et, depuis l’infirmerie, explique qu’il s’agit d’une commande payée en liquide par un homme grand, mince, barbu. Un second corps est retrouvé, quelques jours plus tard, dans une chambre de bonne au 7e étage d’un immeuble.
Bompard et ses adjoints cherchent désespérément des pistes quand Mathilde, son ex-épouse, est menacée par un individu dont la stature est proche de celle du présumé tueur… Entouré de ses deux adjoints, le singulier commissaire Bompard mène une singulière enquête. Qui peut en vouloir à d’innocentes statues au point de les étêter ? Et quel peut-être le rapport avec les meurtres commis, concomitamment, sur des jeunes femmes ? Pourquoi faire disparaître leur tête ?
La romancière multiplie les pistes et les impasses, les rebondissements et les coups de théâtre, donne de l’aventure policière pour l’aventure. Elle croque un Chrétien Bompard qui, contrairement à ce que son prénom pourrait faire penser, est parfaitement et viscéralement athée. Mais les moments qu’il traverse sont difficiles. Il n’accepte pas son divorce et décide d’arrêter de fumer.
Peu à peu, Catherine Bessonart dévoile la personnalité bien complexe de son commissaire (mais qui n’a pas une personnalité complexe ?), ses failles, les événements qui l’ont conduit jusqu’au moment où il enquête.
Elle met en scène, autour de son héros, une belle galerie de protagonistes atypiques et fait agir la vengeance, la souffrance, l’occultation, l’oubli, la solitude. Le poids de la culpabilité, la responsabilité dans des faits dramatiques viennent renforcer l’intrigue. Mais, malgré ce côté assez sombre, la romancière introduit de bonnes doses d’humour, une façon de présenter les situations ou des remarques surréalistes qui, bien que très pertinentes, prêtent à sourire, voire à rire.
Avec ce roman, Catherine Bessonart signait un polar riche en suspense, animé par de beaux personnages, du héros aux “seconds couteaux”, se débattant dans une intrigue contée d’un style alerte.
serge perraud
Catherine Bessonart, Et si Notre-Dame la nuit…, éditions de l’aube, coll. “Mikrós Noir”, juin 2021, 360 p. – 11,90 €.