Une richesse de couleurs et de symbolisme
Mickaël Alphange est apprenti vitrailliste. Il a le don de synesthésie, la capacité de voir les sons, de traduire sons, mots, notes de musique en couleurs, en formes et en textures. Et, inversement, il entend les couleurs.
Un soir, après avoir vu un débris de vitrail de Notre-Dame avec une variété d’indigo proche de l’ultraviolet, là où commence le monde invisible, il tente une expérience. Celle-ci va repousser les limites de sa perception. Il voit des lueurs autour des personnes qu’il croise, des couleurs bien différentes selon l’état d’esprit de l’individu. Peu à peu, un univers se révèle avec l’ouverture, non volontaire, d’un état de conscience. Il devient un être capable de visualiser l’invisible au commun des mortels. Mais ce monde n’est pas aussi beau et lumineux qu’il paraît. Il recèle une large part d’êtres malveillants, de dangers et Mickaël va devoir se confronter à eux…
Il semble que tous les enfants naissent synesthètes, mais cette capacité neuronale disparaît très vite. Olivier Ledroit met en scène, avec le brio qui caractérise ses albums toute une cosmogonie, une dimension ésotérique et occulte. Celles-ci passent par les humains mais aussi par des entités pas vraiment sympathiques. Il livre, également, toute la puissance des flux d’énergie qui sillonnent la Terre, qui sourdent des monuments qui ne sont que des artefacts au service de ces torrents de force.
Il mobilise une large part de la panoplie des Grands Anciens, des alchimistes, des magiciens… Il glisse quelques touches d’humour comme, par exemple, lorsqu’en trois cases il présente des situations différentes quant à la capacité de production de pensées et d’émotions allant du plus productif au moins en montrant une femme qui lit, un trio de policiers et un jeune homme penché sur son smartphone.
Que dire de la grosse centaine de planches qui compose ce premier tome si ce n’est qu’il s’agit d’un véritable déferlement de formes et de couleurs, d’auras aux apparences multiples, aux formes improbables qui recouvrent humains et constructions. Ledroit donne des décors fabuleux de Paris, de ses monuments emblématiques qui, selon le courant ésotérique, sont des réceptacles.
Il réalise des vues époustouflantes des rues de la Capitale, de Notre-Dame, de l’Arc de triomphe et, bien sûr, du Louvre et de sa pyramide, sources de flux mystiques.
Jean-Michel Nicollet, illustrateur et auteur de BD, signe une préface fort intéressante. Ce premier album ouvre une trilogie ténébreuse à souhait, un thriller fantastique contemporain mettant en scène un Paris mystique et nocturne.
Une magnifique découverte !
serge perraud
Olivier Ledroit (scénario, dessin et couleurs), Le Troisième œil - t.01 : La Ville lumière, Glénat, coll. “24x32”, mai 2021, 112 p. – 20,95 €.