Le scénariste met en scène une nouvelle façon de voyager, le moyen le plus absolu de passer d’un monde à un autre. Mais, il assorti cette superbe possibilité d’une contrainte. Pas question de partir pour disparaître. Il faut revenir.
Pour faire respecter cette règle, la Compagnie doit lancer des Agents de Retour sur les traces des fugitifs. C’est ainsi que Lubia Thorel, agente très efficace, va traquer un expert-comptable qui souhaite refaire sa vie comme bandit de grand-chemin.
Sur une planète où vivent des êtres à tête de chien, une diligence est attaquée. Les bandits en veulent aux objets de valeurs des passagers. L’un d’eux s’empare du beau bijou que porte une dame. Une explosion assourdit tout le monde, sauf cette femme qui enlève perruque, bouchons d’oreilles, se précipite sur l’un des bandits, scanne son visage et l’emmène. Lubia Thorel est la meilleure agente de la C.T.G., la Compagnie de Téléportation Galactique, devenue la plus importante compagnie privée grâce à sa découverte de cette technologie.
À peine rentrée de cette mission, elle est renvoyée à la recherche de cinq Flottants, cinq passagers qui ne se sont pas présentés au réembarquement, cinq passagers perdus. Elle arrive sur Noxien, un monde où sa société n’est pas bien vue. Les difficultés s’accumulent car elle se retrouve avec, aux trousses, un autre agent chargé de déterminer si ses méthodes peu orthodoxes pourraient servir à établir un nouveau protocole… Mais, le plus grave n’est pas qu’il soit gaffeur…
Ce scénario fait la part belle à l’action, une suite d’opérations toniques mettant en scène une agente expérimentée, capable de se sortir seule de situations difficiles, mais qui traîne une sorte d’entrave, la source de quelques désagréments.
L’humour est très présent tant dans des dialogues pétillants, dans des situations cocasses que dans des regards portés sur des faits de société.
Outre l’action qu’il ne se prive pas de mettre en avant, Dominique Latil distille des remarques, des réflexions, des attitudes relatives au fonctionnement des entreprises, de ces multinationales (On n’a pas encore de multiplanétaires !) qui s’affranchissent des plus élémentaires règles humaines pour une course éperdue vers plus de profits, vers plus de pouvoirs, vers plus d’influence. Mais outre l’aspect économique, le scénariste s’intéresse aussi à l’organisation interne.
Il se moque ouvertement de certains protocoles imposés dans les entreprises, de ces démarches « qualité », qui ne sont que des boulets administratifs plombant la production.
Le dessin de Romain Sordet, tonique, dynamique, met en valeur nombre de personnages, d’entités non humaines. Il réalise de belles trognes, rend attractif le récit par des détails piquants et un magnifique travail sur les décors. La mise en couleurs, œuvre d’Aurélie F. Kaori, donne une tonicité supplémentaire, si besoin était, au graphisme.
Avec ce premier tome, le décor et le cadre sont bien plantés, les révélations sont déjà suffisamment attractives pour faire attendre, avec attention, le mois d’août où le second volet doit paraître.
serge perraud
Dominique Latil (scénario), Romain Sordet (dessins) & Aurélie F. Kaori (couleurs), Téléportation INC. – t.01 : Perdus en translation, Bamboo, label “Drakoo”, avril 2021, 48 p. – 14,50 €.