José Carlos Llop, Le Roman du siècle

Ce n’est pas un roman

Contrai­re­ment à ce que son titre indique, c’est un recueil de nou­velles, et sa thé­ma­tique n’est pas assez large – loin de là – pour cou­vrir un siècle entier.
La plu­part des textes ren­voient plus ou moins expli­ci­te­ment au fran­quisme et au nazisme, et l’on y croise un nombre d’Allemands qui pour­rait ébau­bir le lec­teur qui igno­re­rait leur omni­pré­sence à Majorque (où vit l’auteur), île sur­nom­mée « le dix-septième Land ».

Si la thé­ma­tique n’est pas des plus variées, la forme des nou­velles offre une diver­sité bien­ve­nue : on pour­rait dire qu’il y en a pour tous les goûts. Cer­taines sont longues, d’autres tiennent presque du poème en prose ou de la série d’histoires minus­cules.
Dans la pre­mière caté­go­rie, j’ai pré­féré « Pas­se­port diplo­ma­tique », où il est ques­tion d’un Fran­çais, ancien agent nazi qui finira sa vie en Espagne, et d’un Espa­gnol, fils pro­digue issu d’une famille glo­rieuse, qui se sont connus et liés en Gui­née, avant que le pre­mier ne décide de pri­ver le second de sa femme. La manière ingé­nieuse dont ces trois des­tins s’entrelacent a de quoi vous captiver.

Moins longue, la nou­velle inti­tu­lée « La Joueuse de ten­nis » séduit d’abord par son atmo­sphère oppres­sante, très réus­sie, puis par une révé­la­tion com­plè­te­ment inat­ten­due et pas moins convain­cante.
Mais ce sont les textes les plus brefs qui me semblent les plus réus­sis du volume : « L’art ou la vie », dont l’essentiel repose sur une des­crip­tion de tableau ou « L’esprit de Noël », où il est ques­tion du réveillon soli­taire d’un homme (qui se sou­vient des années où il avait une femme et des enfants), et sur­tout « Le chant des baleines », dont le nar­ra­teur – qu’on peut croire fou ou sim­ple­ment ima­gi­na­tif – enchaîne trente-trois his­toires minus­cules, chan­geant d’identité dans cha­cune ou presque, et tra­ver­sant ainsi divers espace-temps.

L’on y trouve des pas­sages d’une poé­sie presque sur­réa­liste, comme celui-ci : « Les monar­chies étaient des coffres mis à l’écart dans un gre­nier pous­sié­reux et déla­bré, et les femmes de Madrid avaient un fume-cigarettes en nacre et se tei­gnaient les che­veux en blond pla­tine. Ma voi­ture était cou­leur cerise mûre, comme leurs lèvres. Dans les vitrines des bou­tiques, il y avait des visons, des blocs de glace et des yeux de verre » (p. 120).

Les ama­teurs des livres de José Car­los Llop publiés pré­cé­dem­ment en fran­çais seront cer­tai­ne­ment ravis de lire ce recueil.
Les lec­teurs qui ne connaissent pas encore cet auteur y trou­ve­ront sans doute ce qu’il faut pour être mis en appétit.

lire un extrait (en bas de page)

agathe de lastyns

José Car­los Llop, Le Roman du siècle, tra­duit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu, Do, avril 2021, 152 p. – 17,00 €.

Leave a Comment

Filed under Nouvelles

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>