Contrairement à ce que son titre indique, c’est un recueil de nouvelles, et sa thématique n’est pas assez large – loin de là – pour couvrir un siècle entier.
La plupart des textes renvoient plus ou moins explicitement au franquisme et au nazisme, et l’on y croise un nombre d’Allemands qui pourrait ébaubir le lecteur qui ignorerait leur omniprésence à Majorque (où vit l’auteur), île surnommée « le dix-septième Land ».
Si la thématique n’est pas des plus variées, la forme des nouvelles offre une diversité bienvenue : on pourrait dire qu’il y en a pour tous les goûts. Certaines sont longues, d’autres tiennent presque du poème en prose ou de la série d’histoires minuscules.
Dans la première catégorie, j’ai préféré « Passeport diplomatique », où il est question d’un Français, ancien agent nazi qui finira sa vie en Espagne, et d’un Espagnol, fils prodigue issu d’une famille glorieuse, qui se sont connus et liés en Guinée, avant que le premier ne décide de priver le second de sa femme. La manière ingénieuse dont ces trois destins s’entrelacent a de quoi vous captiver.
Moins longue, la nouvelle intitulée « La Joueuse de tennis » séduit d’abord par son atmosphère oppressante, très réussie, puis par une révélation complètement inattendue et pas moins convaincante.
Mais ce sont les textes les plus brefs qui me semblent les plus réussis du volume : « L’art ou la vie », dont l’essentiel repose sur une description de tableau ou « L’esprit de Noël », où il est question du réveillon solitaire d’un homme (qui se souvient des années où il avait une femme et des enfants), et surtout « Le chant des baleines », dont le narrateur – qu’on peut croire fou ou simplement imaginatif – enchaîne trente-trois histoires minuscules, changeant d’identité dans chacune ou presque, et traversant ainsi divers espace-temps.
L’on y trouve des passages d’une poésie presque surréaliste, comme celui-ci : « Les monarchies étaient des coffres mis à l’écart dans un grenier poussiéreux et délabré, et les femmes de Madrid avaient un fume-cigarettes en nacre et se teignaient les cheveux en blond platine. Ma voiture était couleur cerise mûre, comme leurs lèvres. Dans les vitrines des boutiques, il y avait des visons, des blocs de glace et des yeux de verre » (p. 120).
Les amateurs des livres de José Carlos Llop publiés précédemment en français seront certainement ravis de lire ce recueil.
Les lecteurs qui ne connaissent pas encore cet auteur y trouveront sans doute ce qu’il faut pour être mis en appétit.
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agathe de lastyns
José Carlos Llop, Le Roman du siècle, traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu, Do, avril 2021, 152 p. – 17,00 €.