Germaniste reconnu, Robert d’Harcourt, dès les années 1930, porta sur le national-socialisme un regard pénétrant, nourri de sa connaissance de l’Allemagne et d’un catholicisme profond.
Ces différents textes, rassemblés en 1936, sous le titre L’Evangile de la force, révèlent une conscience aigüe de la réalité antichrétienne de l’hitlérisme, alors même que cette idéologie démoniaque n’en était qu’à ces débuts à la tête de l’Allemagne.
Le choix du titre s’avère très pertinent. D’Harcourt a saisi la force de la religiosité du national-socialisme, lequel propose une religion de substitution au christianisme. Une nouvelle foi qui adorerait le sang, la race et la force brutale.
Dans un tel univers, il n’existe aucune place pour l’Amour du Rédempteur auquel les hitlériens opposent leurs nouvelles croyances en l’amour du corps, leur refus de la culpabilité et de l’expiation, de la passivité et de cette « mentalité d’esclaves » si chers aux chrétiens. Le refus de la Croix tout simplement.
D’Harcourt perçoit non seulement le rejet de ce que les nazis appellent « le christianisme judaïsant du bassin méditerranéen » mais aussi leur volonté de le germaniser, de lui insuffler cette force, cette brutalité dont il est dépourvu.
Pour les adeptes de la croix gammée, le sauveur ne prend pas les traits du Christ mais du « médecin raciste ».
Avec effarement, l’universitaire français assiste à l’apostasie de la jeunesse allemande, en relativisant son retour au paganisme des forêts germaniques : « Elle ne croit pas à Odin, mais elle a déjà perdu le Christ ». Il sent tout le potentiel de persécutions que recèle une telle idéologie qui désire extirper de l’âme allemande tout l’héritage d’une religion de l’Amour.
C’est clairement exposé à l’époque : quand la nouvelle foi aura forgé l’homme nouveau, « aurons-nous encore besoin de christianisme ? ».
La question, reconnaissons-le, résonne étrangement dans nos oreilles.
frederic le moal
Robert d’Harcourt, L’Evangile de la force, Tempus-Perrin, février 2021, 420 p. — 9,00 €.