Un récit d’espionnage au rythme effréné
Tous les amateurs des Aventures de Spirou et Fantasio connaissent le comte de Champignac, ce vieux scientifique, imaginé par André Franquin en 1951, reclus dans son manoir pour mener moult recherches et expériences sur les champignons.
Mais, comme toute vieille personne, Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas a eu une jeunesse. C’est une bien belle idée d’en dévoiler une partie.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Pacôme est recruté par les Services secrets britanniques pour assister Alan Turing afin de décrypter la machine Enigma. Il rencontre, chargée de la même mission, Blair McKensie, une pétulante jeune femme. Les deux surdoués se rapprochent, de très très près.
Le présent album s’ouvre alors que Pacôme, en juin 1941, est interrogé par deux agents du SOE (Special Operations Executives) à Londres. Ceux-ci veulent des précisions sur le rapport qu’il a fourni à la suite de sa mission. Pour cela, il revient en mai 1941, alors qu’il vit une belle idylle avec Blair. Black, son ami mathématicien qui travaille avec eux, leur fait part d’un message codé récupéré pendant la nuit par les services d’écoute. Il émane de deux de leurs amis, des scientifiques forcés de travailler pour le Reich. Ils appellent au secours.
Blair décide d’aller les chercher avec Pacôme et Black, bien que ce dernier se montre réticent. Ils obtiennent rapidement l’autorisation de partir, Blair s’adressant directement à Winston Churchill.
Mais comment, au cœur du régime nazi, pourront-ils délivrer leurs amis et revenir sains et saufs à Londres ?
Les deux scénaristes qui se dissimulent sous le pseudo de Beka, mettent en scène une belle intrigue en s’appuyant sur des faits authentiques même si ceux-ci ont été un peu amplifiés pour donner du tonus à l’histoire. Ainsi, le décodage de la machine Enigma mise au point par des scientifiques allemands a mobilisé, sous la direction du mathématicien Alan Turing, nombre de cerveaux pour obtenir un résultat.
On sait aujourd’hui que les soldats allemands absorbaient des substances qui augmentaient leur résistance.
Autour de l’épatant couple Blair-Pacôme, les scénaristes mettent en scène nombre de personnages authentiques tels Alan Turing, Goering, Wernher von Braun, Hitler… Ils mettent en valeur la femme faisant de Blair, l’héroïne qui porte le récit, une personne impétueuse, tonique. Si le rythme est dynamique, les auteurs multiplient les touches humoristiques donnant un aspect un peu plus léger à l’intrigue. C’est plein de trouvailles et les rebondissements ne manquent pas.
Le dessin et la mise en couleurs sont l’œuvre de David Etien. Il réalise des planches aux traits énergiques, relayant à merveille la tonicité du scénario. Si les décors sont très agréables à regarder par leur pertinence et leur fini, il met grandement les personnages en valeur, réalisant des gros plans de belle facture. Il sait faire ressentir les émotions, les sentiments des acteurs du récit, leurs donnant d’intenses regards. Il s’inspire, pour les seconds couteaux, de personnes réelles tel cet officier SS qui ressemble tant à un chroniqueur politique au cœur de nombreuses polémiques, Von Braun qui rappelle un people…
Le Patient “A” confirme tout l’intérêt que l’on a trouvé au premier tome, avec une intrigue tonique où l’action et l’humour se conjuguent pour un récit d’une belle intensité servi par une réussite graphique indéniable.
On ne peut que souhaiter retrouver très vite d’autres aventures de Pacôme et Blair.
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serge perraud
Beka – Caroline Roque et Bertrand Escaich (scénario), David Etien (dessin et couleurs), Champignac – t.02 : Le patient “A”, Dupuis, février 2021, 48p. – 14,50 €.