Une intrigue à faire pâlir de jalousie tous les Machiavel…
Chaque matin, dès le réveil, Maddi Liberi, médecin généraliste à Saint-Jean-de-Luz, et Esteban son fils, partent pour la plage toute proche et se baignent s’il fait beau. Ce matin-là, jour anniversaire des 10 ans d’Esteban, Maddi estime qu’il y a trop de vagues. Elle lui remet une pièce d’un euro pour qu’il aille acheter une baguette de pain, comme il le fait chaque matin depuis quelques années et elle rentre. En sortant de la douche, elle s’aperçoit qu’Esteban n’est pas là, n’a pas préparé le petit-déjeuner comme d’habitude.
Elle ne le retrouvera pas, malgré les innombrables recherches, persuadée qu’il a été enlevé. Quand la police arrête les recherches, elle part et ouvre un cabinet à Etretat. Là, Gabriel va occuper alors une place vide mais ne remplace pas son fils.
C’est dix ans après qu’elle retourne à Saint-Jean-de-Luz et découvre, en se promenant avec Gabriel sur la plage, un garçon en tout point identique à Esteban. Il a la même carrure et porte le même maillot de bains que lui, quand il a disparu. Profitant qu’il se baigne avec sa mère, elle fouille leurs affaires et trouve une adresse en Auvergne. Elle part s’installer à Murol pour être près de lui, près de son fils réincarné dans Tom. Réalité ou folie ? Gabriel suit sans problème.
Maddi cherche alors des éléments pour démontrer que Tom est son fils. Il va bientôt avoir dix ans. L’anniversaire approchant, elle est persuadée qu’il est en danger et qu’elle seule peut le sauver… Mais la mort commence à frapper…
Le décor principal retenu par Michel Bussi, pour son nouveau roman, est une petite zone de l’Auvergne, proche du Puy de Sancy. Il donne de cette région une description si attrayante qu’on aurait presque envie, comme son héroïne, d’aller y poser ses valises. L’auteur construit son intrigue autour du concept de réincarnation, de migration des âmes et de l’instinct maternel.
Il cite le professeur Ian Stevenson, un psychiatre qui a beaucoup travaillé sur ce domaine, menant de nombreuses recherches, en dehors de toute notion religieuse, sur les cas d’enfants affirmant se rappeler de leurs vies antérieures.
Pour faire vivre son récit, il conçoit un bel ensemble de personnages, des protagonistes de chair et d’os, aux caractères finement étudiés, si proches du réel. Ils sont triés sur le volet pour faire évoluer, chacun dans leur partie, les péripéties, participer activement au flot de rebondissements et coups de théâtre. Outre l’héroïne, dont on partage les recherches, les interrogations, les émois, les angoisses, les doutes quant à sa santé mentale, s’imaginant devenir schizophrène, bipolaire, atteinte de paranoïa, deux personnages se démarquent.
Sabine Laroche est une assistante sociale dévouée à la population et Nectaire Paturin, ancien flic devenu secrétaire de la mairie du village.
De très nombreuses touches d’humour parsèment le roman, comme le surnom donné par ses collègues à Nectaire. Ceux-ci l’appelaient Bocolon, le contraire de Colombo car ses intuitions… Bussi intègre nombre d’indications sur les sujets les plus variés sans gêner le vif intérêt du récit. C’est ainsi qu’il fait part de la Xénoglossie, de l’apiphobie, de l’oxycodone qui fait plus de morts par overdose que les drogues illégales…
Il a le goût pour les belles images, pour des comparaisons si évidentes. Il imagine des situations surréalistes, des scènes d’une beauté déjantée, comme le point-interrogatoire mené pendant un tempête de neige.
Mais, Michel Bussi, tel le prestidigitateur, fait surtout porter l’attention sur des points particuliers, en composant, hors du regard, une série de faits, d’actions qui anéantissent toute esquisse de solution imaginée par son lecteur. Et pourtant, quand on a enfin le mot de la fin, tout est là, sous les yeux.
Depuis quelques années, Michel Bussi renouvèle le genre du roman d’énigme.
Mais, avec Rien ne t’efface, il propose un récit à la construction si diabolique, si retorse, qu’il va faire pâlir de jalousie tous les Machiavel de la Terre.
écouter un extrait lu du livre
serge perraud
Michel Bussi, Rien ne t’efface, Les Presses de la Cité, Février 2021, 454 p. – 21,90 €.