Frasse Mikardsson, Autopsie pastorale

Des enquê­teurs peu com­muns pour une intrigue inattendue

Le méde­cin légiste est un per­son­nage quasi incon­tour­nable du roman poli­cier. Son rôle, cepen­dant, est peu traité même s’il apporte des élé­ments, des infor­ma­tions pré­cieuses. Avec Autop­sie pas­to­rale, le roman­cier donne le rôle prin­ci­pal à cette caté­go­rie de pro­fes­sion­nels en leur fai­sant mener l’enquête.
Frasse Mikard­sson sait de quoi il parle car, doc­teur en éthique médi­cale, il tra­vaille en méde­cine légale en France après avoir long­temps exercé en Suède.


O
scar Ljung­q­vist, un étu­diant en méde­cine, a rédigé un long rap­port dans lequel il explique ses démê­lées avec une patrouille de police, après avoir constaté la mort de Lil­le­mor Bengts­dot­ter.
Eva-Stina Sjö­gren, mère de trois jeunes enfants, trouve au tra­vail le seul moment où la cadence infer­nale se ralen­tit. Elle est spé­cia­liste en ana­to­mo­pa­tho­lo­gie. Avec Laleh, son assis­tante, leur pre­mière tâche du matin consiste à véri­fier si les demandes d’autopsie scien­ti­fique relèvent de leur champ d’action. La seule demande de ce matin est rela­tive à Lil­le­mor Bengts­dot­ter. Compte-tenu du rap­port elles décident, argu­ments à l’appui, que le cas relève d’une autop­sie médico-légale.
C’est dans le ser­vice dirigé par Mag­da­lena, qu’officie Pierre Des­prez, un médecin-légiste venu en Suède par amour. Puis, après la rup­ture, il a été fas­ciné par la ville de Sig­tuna au bord du lac Mäla­ren. C’est lui qui est chargé de la répar­ti­tion des opé­ra­tions en fonc­tion de la nature du décès. Mais l’intervention sur le cadavre de Lil­le­mor sou­lève nombre d’interrogations car les avis des méde­cins divergent. Toute l’équipe se retrouve plon­gée dans un cau­che­mar scien­ti­fique et cha­cun va devoir se déta­cher de son champ de com­pé­tences car…

Le point de départ de l’intrigue est la mort de cette dame âgée, pas­teure à la retraite. Son corps, dans l’appartement fermé, est décou­vert quelques jours après son décès. S’enclenchent alors, une série d’actions, de pro­cé­dures, de recherches, d’explorations, d’examens, de pros­pec­tions mêlant inter­ven­tions légales de légistes, de membres de la police et cer­tains pro­ta­go­nistes qui vont avoir quelques influences pas tou­jours posi­tives.
Et l’auteur, connais­sant bien son sujet, déve­loppe toutes les inter­ac­tions au sein des deux ser­vices qui sont appe­lés à exé­cu­ter des autop­sies, les labo­ra­toires d’analyse et les poli­ciers de tous grades. Il met en scène un joli groupe de per­son­nages étu­diés avec soin, construits avec recherche, presque faits de chair et d’os.

Le roman­cier pré­cise les dif­fé­rents types d’autopsie, énonce les modes opé­ra­toires, expli­cite le tra­vail effec­tué par les dif­fé­rents inter­ve­nants, la façon de s’y prendre. Il détaille avec une belle pré­ci­sion les inci­dences de telles ou telles bles­sures, les conclu­sions qui peuvent en être tirées. Cer­taines de ces des­crip­tions sont par­fois peu atti­rantes mais, dans le contexte du récit, elles passent très bien.
Le tra­vail et ses impacts, tant phy­siques que psy­chiques, cette fré­quen­ta­tion quo­ti­dienne de la mort sou­vent bru­tale, sont fort bien décrits. C’est aussi une mise en garde contre les idées pré­con­çues qui veulent, par exemple, qu’une per­sonne âgée décède d’autre chose que de son cœur, qu’une pen­dai­son puisse être cri­mi­nelle alors qu’elle est d’origine sui­ci­daire dans la majo­rité des cas.

Paral­lè­le­ment, le roman­cier livre une belle des­crip­tion de la société sué­doise, du mode de vie, de la façon de se com­por­ter au quo­ti­dien, des incon­tour­nables tels les boîtes de cho­co­lats Ala­din, ven­dues par mil­lions, une ins­ti­tu­tion dans laquelle une modi­fi­ca­tion bénigne se révèle bien dom­ma­geable.
Avec Autop­sie pas­to­rale, un titre avec un joli jeu de mots, Frasse Mikard­sson livre un roman aux situa­tions com­plexes, avec un humour très pré­sent qu’on pour­rait presque qua­li­fier de cara­bin, dont il tire une belle intrigue qui monte en ten­sion jusqu’à un beau dénoue­ment.
Un polar nova­teur dans de nom­breux domaines, enquê­teurs, dérou­le­ment, actions, humour, cadre géo­gra­phique et sociétal.

serge per­raud

Frasse Mikard­sson, Autop­sie pas­to­rale, Édi­tions de l’aube, coll. “Noire”, jan­vier 2021, 336 p. – 19,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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