Antoine Boulant, La journée révolutionnaire. Le peuple à l’assaut du pouvoir, 1789–1795

 Aux armes !

Il existe sans doute encore des âmes ingé­nues croyant que la Révo­lu­tion fran­çaise est née de l’indignation d’un peuple levé pour sa liberté. Comme Vénus nais­sant dans son coquillage.
La lec­ture du pas­sion­nant essai (et non du récit) d’Antoine Bou­lant sur les jour­nées révo­lu­tion­naires qui ont ponc­tué la Révo­lu­tion risque d’anéantir leurs illusions.

Certes, il existe des causes pro­fondes à ces révoltes : hausse des prix, crises fru­men­taires, peur des com­plots, qui agissent comme des cata­ly­seurs, dif­fusent une peur et une colère, les­quelles font le lit de l’insurrection.
Mais il faut comp­ter aussi et sur­tout sur les meneurs, les haran­gueurs, les mino­ri­tés agis­santes, poli­ti­sées ou en voie de poli­ti­sa­tion dans les sec­tions et les clubs, et les vrais ins­ti­ga­teurs, le 10-Août ayant sur ce point valeur d’exemple (il s’agit bien d’un coup d’Etat), sans oublier la cor­rup­tion, utile arme de convic­tion et de mobilisation…

Rien ne serait pos­sible non plus sans la déli­ques­cence du pou­voir, soit parce que son chef ne pos­sède plus la force morale de résis­ter (Louis XVI), soit parce qu’il lui manque l’instrument de répres­sion, l’armée étant poli­ti­que­ment déjà du côté des insur­gés. A cet égard, les Ther­mi­do­riens, confron­tés à la der­nière jour­née révo­lu­tion­naire en l’An III, n’auront aucun scru­pule à abattre le mou­ve­ment jaco­bin et à ren­voyer à 1830 le pro­chain rendez-vous avec les émeu­tiers.
Déjà la Conven­tion avait-elle essayé d’endiguer le flot tem­pé­tueux qui l’avait por­tée au pou­voir. Se révol­ter oui, mais pas contre la Répu­blique ! Bien plus tard, les gilets jaunes l’apprendront à leurs dépens.

Antoine Bou­lant explique avec soin les enjeux de ces jour­nées mar­quées par la vio­lence (la plu­part ont été san­glantes, le 10-Août culmi­nant dans l’horreur) et par l’intrusion dans le cœur du pou­voir. Il s’agit, pour l’émeute, de « s’affranchir de la léga­lité et de péné­trer en armes et en masse dans un espace qui lui est inter­dit afin d’obtenir par la force la satis­fac­tion de ses exi­gences »
Et on remar­quera, encore une fois, que les fac­tieux se recrutent non pas dans les franges les plus popu­laires, pour ne pas dire plé­béiennes, de la société pari­sienne, mais bien dans la petite bour­geoi­sie, mère de toutes les révo­lu­tions, de 1789 à 1968, en pas­sant par celle en che­mises noires de 1922.

Le “peuple”, bien sou­vent, regarde ailleurs.

fre­de­ric le moal

Antoine Bou­lant, La jour­née révo­lu­tion­naire. Le peuple à l’assaut du pou­voir, 1789–1795, Passés/Composés, février 2021, 228 p. — 18,00€.

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