Un ouvrage de référence sur le sujet
Pour la plupart des Occidentaux, ces maréchaux se réduisent à une image peu valorisante, celle de vieillards présents lors des grands défilés militaires sur la place Rouge. Coiffés d’une immense casquette, ils exhibent une belle collection de médailles. Gueorgui Joukov en avait cinquante-six. L’ensemble pesait plus de cinq kilos. Hors ce tableau, peu de documents accessibles traitent de leur carrière, de travaux portent sur leurs faits d’armes et leur influence.
Entre 1935 et 1953, Staline a promu trente-huit hommes au grade de maréchal, le dernier en 1946.
Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri proposent de réaliser un portrait de dix-sept d’entre eux, ceux qui méritent ce plus haut grade. En effet, parmi le groupe, certains n’ont pas eu vraiment vocation de combattant, de chef militaire comme Staline lui-même qui s’est auto-promu. D’autres n’ont jamais été soldat comme Beria et Boulganine.
Les auteurs écartent un second groupe composés de gradés “mineurs” n’ayant pas le titre de Maréchal de l’Union soviétique, mais seulement un maréchalat en lien avec leur arme comme, par exemple, Maréchal de l’aviation, de l’artillerie…
Après une présentation-introduction, les auteurs dans un chapitre Portrait de groupe, explicitent l’état de l’armée rouge, l’évolution de sa conception. Pour faire oublier l’armée tsariste, les dirigeants bolcheviques abolissent, en 1917, tous les grades pour une appellation plus neutre et une forme de commandement plurielle. Chaque ordre d’un militaire doit être contresigné par un commissaire politique.
Puis, une évolution se fait en 1935 quand Staline opère un léger virage, il crée les cinq premiers maréchaux de l’histoire soviétique. Ce chapitre analyse globalement cette évolution, la situation originelle et les raisons qui ont amené cette mutation, l’esprit de celle-ci.
Pour réaliser chaque portrait des dix-sept maréchaux qui figurent dans le présent ouvrage, les auteurs ont réalisé une grille d’analyse de façon à mettre chacun dans le contexte où il a évolué, de les mesurer par rapport à un certain nombre de critères tels que les raisons de leur élévation au titre, la position dans l’ordre de préséance, la proximité physique avec Staline… Cependant, il est difficile de trouver des sources fiables sur ces hommes quant à leur vie privée, leur goût, leur amours…
Mais, chaque portrait détaille le caractère de l’homme, le parcours “professionnel” du maréchal, ses faits d’armes, ses échecs, les raisons de sa nomination, jusqu’à son décès dans son lit ou son exécution.
On peut suivre ces parcours individuels stupéfiants, tragiques, voire rocambolesques mais généralement inattendus. Ces dix-sept vies composent une fresque qui va de la Première Guerre Mondiale à l’écroulement de l’URSS en passant par la crise de Cuba, et la lutte contre le nazisme pendant la seconde Guerre mondiale. Ils ont eu droit aux défilés sur le place Rouge et pour certains à la prison de Loubianka.
Un travail bibliographique complète de belle manière ce superbe document d’études sur des personnages qui, pour la plupart, sont passés dans l’oubli, mais dont certains ont eu une influence forte sur le cours de l’Histoire.
serge perraud
Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Les Maréchaux de Staline, Perrin, janvier 2021, 544 p. – 25,00 €.