Le premier tome d’une série prometteuse
Les auteurs mettent en scène la sorcellerie dans sa plus belle application avec une jeune fille avide d’aventures. Elle découvre les pouvoirs légués par sa mère et en fait un usage humanitaire. Son aptitude est liée au Grimoire, ce gros volume qu’elle doit nourrir de récits pour allumer les pierres de couverture et donner vie aux origamis qu’elle réalise avec ses pages blanches. C’est ainsi qu’elle crée une grenouille qui lui parle.
Elfie, onze ans, et Magda, sa sœur de douze ans, vivent chez leur tante Delphine depuis la mort de leur mère. Leur sœur aînée Louette, majeure, est partie. Elfie préfère réaliser des origamis plutôt que faire ses exercices de maths, ce qui provoque la colère de sa tante.
C’est pendant cette dispute qu’arrive, devant la maison, un bus anglais avec Louette au volant. Elle a transformé le véhicule en librairie ambulante, Au livre qui pue, et a obtenu d’un juge la garde de ses sœurs. Malgré l’opposition de leur tante, elles partent pour faire le tour de France des petits villages en proposant des livres.
Elfie propose de commencer par l’île de Kermalo, en Bretagne, où leur mère les emmenait en vacances. Arrivées à destination, pendant qu’elles pique-niquent sur la plage, Louette leur donne les cadeaux laissés par leur mère, dans un coffre. Son camée est pour Magda et pour Elfie un gros carnet avec des pierres formant une constellation sur la couverture avec la mention : Nourris-moi. Leur mère était une sorcière et Elfie a hérité de ses pouvoirs.
Dans le village, deux clans s’affrontent violemment à cause des conséquences d’une très ancienne farce. Elfie va se trouver mêlée à cette histoire pour aider Ronan, un jeune garçon…
Louette et son bus, son activité de libraire prennent une place importante dans le récit. L’aménagement du bus pour en faire, à la fois, un lieu de vie pour trois personnes et une libraire suffisamment garnie est riche en trouvailles.
Magda a du mal à trouver sa place et se sent quelque peu rejetée à cause de sa prothèse de jambe qui ne lui autorise pas des déplacements aussi faciles que ceux de la frétillante Elfie.
L’idée de base vient de la passion commune des scénaristes pour les livres d’où cette librairie ambulante qui permet un changement de décors selon les épisodes. Celui qui est retenu ici s’est imposé naturellement. Audrey Alwett est née dans cette région et cherche tous les prétextes pour y retourner, pour s’y émerger. Il semblerait que le prochain album se situera vers Aix-en-Provence, dans le Lubéron, puis un autre tome pourrait bien avoir pour cadre l’Alsace.
Si cette série s’adresse d’abord aux jeunes, elle est fort plaisante à découvrir pour des adultes.
Le dessin de Mini Ludvin, tout en rondeurs, en douceur, est à la fois réaliste dans la proportion des personnages, l’environnement matériel, les décors et emprunte les yeux à une certaine forme de graphisme, renforçant l’intensité des regards et l’expression des sentiments. C’est un régal, d’autant que la mise en couleurs d’Hélène Lenoble rehausse les ambiances, restitue avec brio l’atmosphère de la région.
Un premier volume attractif, charmant, plein de trouvailles autour d’un trio attachant, mettant en avant une belle tendresse, le plaisir d’être avec ceux que l’on aime, que l’on apprécie et un régal pour les yeux à découvrir ce graphisme de belle facture.
serge perraud
Christophe Arleston & Audrey Alwett (scénario), Mini Dudvin (dessins), Hélène Lenoble (couleurs), Le Grimoire d’Elfie – t.01 : L’île presque, Bamboo, Label “Drakoo”, février 2021, 80 p. – 15,90 €.