Sophie Marvaud, Le choc de Carnac

Une enquête au cœur du néolithique…

Le cadre de l’intrigue se situe au Ve mil­lé­naire avant notre ère, dans la baie de Qui­be­ron, sur le site de Car­nac. C’est une période de muta­tions pro­fondes. Des popu­la­tions défrichent les terres, s’installent dura­ble­ment. Le noma­disme, qui avait pré­valu jusqu’ici, s’éteint peu à peu. C’est l’accroissement des popu­la­tions qui oblige à défri­cher encore plus, repous­sant les der­niers nomades.
Mais, ces ins­tal­la­tions nou­velles peuvent être per­çues comme des menaces par d’autres comme ces Pêcheurs.

C
’est dans ce contexte où trois peuples se par­tagent des ter­ri­toires que Sophie Mar­vaud ins­talle son récit. Pour le faire vivre, elle s’appuie sur trois héroïnes, trois femmes de trois peuples dif­fé­rents qui ne parlent pas la même langue, aux âges, modes de vie et mœurs bien dis­tincts.
La pre­mière à entrer en lice est La Vivace, une Culti­va­trice qui approche de la qua­ran­taine et qui a eu une vie assez ingrate. Elle est menue. Son corps ne s’est pas formé car elle a dû tra­vailler dur toute petite pour éle­ver ses frères et sœurs. Elle est res­tée céli­ba­taire, trou­vant l’affection chez les jeunes enfants qui l’entourent. Paru­line, âgée de 32 ans, est la seconde épouse du pêcheur le plus riche de Pointe-sous-le-Vent, la mère de Size­rin. Lynx est une Nomade. Elle vit dans une société plu­tôt éga­li­taire et, bien qu’à 16 ans elle soit en âge de for­mer un couple et d’être mère de famille, elle entend gar­der sa liberté.
Mais la volonté des unes et des autres va faire triom­pher une jus­tice et évi­ter une ven­geance aux san­glantes conséquences.

Le Géant, un com­mer­çant ambu­lant, se presse à tra­vers une forêt luxu­riante. Aucun pas­sage ne relie Dernier-Mont, le vil­lage de Culti­va­teurs qu’il vient de quit­ter, à Pointe-sous-le-Vent, la bour­gade des Pêcheurs. Il est por­teur d’un mes­sage qui l’inquiète car il ne veut aucun mal aux Nomades, ces Grand-Chaos qui habitent la Forêt-des-Buttes. Un bruit l’alerte. Une flèche le touche, puis une seconde…
À Pointe-sous-le-Vent, c’est le moment de l’Initiation des jeunes gar­çons sous la férule du cha­man. Ils doivent faire preuve de bra­voure pour entrer dans le monde des adultes. Parmi eux, Size­rin, le fils de Bas­san l’homme le plus riche du vil­lage. Quand il revient avec le corps du loup qu’il a tué, il ramène aussi une tête encore enva­hie par les mouches et les vers. Bas­san recon­naît son ami Le Géant. Il a été assas­siné. Il faut ven­ger cette mort.

Chez les Culti­va­teurs, L’Orateur, le chef s’inquiète car les jours passent et Le Géant ne revient pas. Il doit rap­por­ter la réponse des Pêcheurs quant au pro­jet de créa­tion d’un nou­veau vil­lage pris sur la forêt. La Vivace, une femme âgée, se pro­pose d’aller chez les Pêcheurs pour négo­cier. Ces der­niers sont déjà en route pour agres­ser les Nomades, per­sua­dés que ce sont eux qui ont tué Le Géant. Alors que le com­bat va s’engager, Paru­line, la seconde épouse de Bas­san s’interpose, rejointe par Lynx, une jeune Nomade.
Et La Vivace se retrouve impli­quée dans le règle­ment du conflit en cher­chant le meur­trier. Or…

Le cadre de ce roman poli­cier est peu com­mun car il faut une sérieuse connais­sance des modes d’existence de l’époque pour ne pas faire trop d’impairs dans le récit. Sophie Mar­vaud applique une rigueur toute scien­ti­fique à faire évo­luer ses per­son­nages en s’approchant au mieux d’une réa­lité déduite de décou­vertes archéo­lo­giques. Il n’existe aucun écrit de cette période.
De nom­breuses infor­ma­tions en début et en fin d’ouvrage apportent les élé­ments his­to­riques et socié­taux qui per­mettent de s’imprégner du décor et des modes d’existence. On trouve une hypo­thèse expli­quant les fameux mono­lithes, ces mil­liers de pierres levées. L’auteure rap­porte que le Paléo­li­thique était d’essence fémi­nine en don­nant, par exemple, un carac­tère sacré à des cavi­tés, en réa­li­sant de nom­breuses gra­vures de vulves. Le néo­li­thique, par contre, est tourné vers le mas­cu­lin vers l’érection.

Il faut saluer un ouvrage pas­sion­nant sur une période peu explo­rée dans ce genre lit­té­raire, avec les rap­ports entre trois superbes héroïnes, et une rela­tion éru­dite de leur envi­ron­ne­ment, de leur mode de vie et une intrigue retorse à souhait.

serge per­raud

Sophie Mar­vaud, Le choc de Car­nac, Édi­tions 10/18, coll. “Grands Détec­tives” n° 5635, jan­vier 2021, 312 p. – 8,10 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>