Jérémy Nelson, ce musicien de jazz, offre aux auteures l’exploration de l’année 1925, les univers musicaux en vogue à cette période, de plonger dans un passé chantant, dans les tréfonds du music-hall.
C’est l’occasion de rappeler la vie culturelle, la vie économique et faire revivre un quotidien encore marqué par la sortie de la Grande Guerre.
Les romancières livrent nombre d’anecdotes, d’informations. Elles immergent littéralement le lecteur dans le Paris de l’année 1925, sur les pas de leurs personnages, multipliant, les références, les précisions, les indications dans nombre de domaines, privilégiant cependant ce qui concerne la vie culturelle.
Et, elles n’oublient pas de concocter une intrigue construite avec brio.
Madame Lequindre se réveille en sursaut. Elle va vers la porte de son appartement en sachant y trouver des lettres de menaces. Elle ne veut pas porter plainte. Il ne faut pas que quelqu’un sache ! Son employée a fait du vide, entreposant sur le trottoir ce qui est à jeter.
En passant pour retrouver Paul Green, Jérémy Nelson remarque une boîte au couvercle joliment décoré, une Black Jack Cigarettes, qu’il s’approprie.
La concierge râle contre les interminables travaux de maçonnerie dans les caves. Jérémy est venu rue de l’Hirondelle travailler avec son ami Paul Green sur un projet de revue pour Le Casino de Paris. Paul lui demande d’intervenir auprès de sa propriétaire, Mme Lequindre, il craint d’être expulsé à cause du bruit lorsqu’il joue de sa clarinette. Celle-ci, propriétaire de l’immeuble, est crainte, voire haïe par presque tous ses locataires.
Avec deux lettres confiées par la concierge, il part chez la propriétaire. N’obtenant pas de réponse à ses coups de sonnette, il voit que la porte est ouverte. Il rentre, appelle, mais perçoit une présence trouble. De crainte d’être surpris, il fuit, oubliant de laisser le courrier. Chez lui, par hasard, il ouvre la Black Jack qui contient des lettres, des factures, des coupures de presses relatives aux conséquences d’un cambriolage vieux de plusieurs années, des lettres de menaces.
Lorsqu’il trouve, dans sa poche, la lettre destinée à la propriétaire, elle est presque ouverte. La curiosité aidant, il regarde et découvre un message avec un cercueil, des menaces, le même assemblage de caractères que ceux qui étaient dans la boîte. Une amie a téléphoné à la concierge que Mme Lequindre était chez elle, à la campagne, pour une durée indéterminée. Jérémy décide d’enquêter dans le passé de cette dame, dans les années folles…
Les romancières détaillent le quotidien d’un immeuble avec une galerie de personnages représentant une large palette des couches sociales entre la concierge omniprésente, un peintre, un étudiant, une employée, un couple de retraités, un musicien, une jeune femme qui cherche des protecteurs, une activité aujourd‘hui totalement disparue…
Elles racontent la cohabitation, plus ou moins facile, entre ces différentes personnes, ce qui donne un charme particulier à cette histoire, servie par une intrigue fort bien étayée, conçue avec une rouerie efficace. Elles utilisent, pour un des ressorts du récit, la crise du logement qui existe de tous temps, mais qui est particulièrement aigüe à Paris en cette période post-conflit.
L’enquête du héros l’amène à côtoyer les divers niveaux du monde du spectacle. On retrouve les concerts, les nombreux théâtres, les opérettes, les envolées lyriques de Jacques Offenbach et d’autres que la grande Histoire n’a pas retenus aussi bien.
Avec des dialogues percutants, un style pétillant, une écriture fluide, un vocabulaire relevé dans les descriptions mais adapté à chaque personnage, les romancières livrent un superbe roman, addictif dont on a du mal à se séparer la lecture finie après cette conclusion remarquablement imaginée.
serge perraud
Claude Izner, Les nids de l’hirondelle, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives”, janvier 2021, 306 p. – 16,90 €.