Trahisons et jeux politiques…
Dans ce roman historique, l’auteur conjugue données sociales, politiques et culturelles de l’an 475 de notre ère, à Arles, avec les tentacules d’un complot dont les parties émergées sont une tentative d’assassinat d’un préfet et la disparition d’un paisible commerçant en vins.
Sur le forum d’Arles, Vercel prend prétexte de connaître les paroles de la mélopée interprétée par un chanteur pour aborder une jeune fille. Elle lui répond brièvement, puis s’éloigne laissant le jeune homme dépité. Il est orfèvre et vient de livrer une commande chez Julien, un aristocrate membre influent de la Curie. Il travaille avec son père et son frère aîné. Originaire de Besançon, la famille s’est installée à Arles depuis quinze ans, fuyant les Alamans.
Polème, le préfet des Gaules est parti chasser avec Martin, le fils de Julien, Aurélien, un membre de la jeunesse dorée et Romulf, un mercenaire burgonde. Débusquant un énorme sanglier, le préfet lance son javelot sans succès. Martin et Romulf se lance à la poursuite de la bête pendant que Polème cherche son arme et qu’Aurélien renonce à la poursuite. Ils retrouvent le préfet gravement blessé.
Vercel, en rentrant chez lui, se porte au secours de la fille entrevue la veille, agressée par deux hommes. Sauvée, mais ne pouvant plus rentrer chez elle, les portes de la ville sont fermées, elle trouve refuge dans la famille de son sauveur. Elle explique que son père a disparu, qu’elle est très inquiète, mais ignore les raisons de son agression.
C’est le lendemain que Vercel, face à l’angoisse de Myriam, propose de signaler la disparition à l’évêché. Ils rencontrent Lupicin, un abbé qui remplace en partie l’évêque Léonce, parti en négociations. Celui-ci, tout en montrant sa compassion, est ravi d’avoir enfin une affaire un peu mystérieuse qui le changera de ces journées de routine administrative…
Charles Senard construit les romans de cette série, L’avènement des Barbares sur le personnage authentique de Lupicin, l’abbé de l’abbaye de Condat, dans le Jura, connu aujourd’hui comme la ville de Saint-Claude. Le romancier retient l’an 475, une date qui est au cœur d’une période riche en mutations. Arles est devenue, depuis le début du siècle, le siège d’un des plus hauts fonctionnaires de l’Empire romain, le préfet du prétoire des Gaules.
Depuis que le christianisme est la religion officielle, l’évêque est le principal personnage de la région. L’Empire romain est en déliquescence. Une confédération de Barbares, terme qui désigne tous ceux qui ne sont pas Romains, s’est répandue en Belgique et dans les Gaules. Et ils entendent s’étendre encore.
Le récit s’enrichit de descriptions érudites dans de nombreux domaines, tant ceux touchant à la vie quotidienne, à la situation politique, au fonctionnement des institutions, au climat social, à la religion qui s’installe, aux combats que se livrent des factions qu’aux attaques qui menacent la cité…
On peut faire deux petites remarques, l’une sur des durées, l’autre sur des distances. La famille de Vercel quitte Besançon, fuyant des envahisseurs, voici quinze ans (page 30). Page 251, il est dit que le père de Vercel a appliqué, vingt ans plus tôt, des ornements dans la basilique d’Arles. Lupicin est touché d’apprendre que Vercel est originaire, comme lui, du Jura, d’un village qui était situé à quelques milles du monastère. Or, à vol d’oiseau, la distance entre les deux lieux est proche de cent kilomètres. Une telle distance, à cette époque…
Mais, hormis ces détails, ce roman foisonnant d’indications, d’informations sur cette période passionnante à découvrir, s’appuie sur une intrigue fort bien menée.
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serge perraud
Charles Senard, L’or, la paille, le feu – Épisode 1 de L’avènement des Barbares, Le Passeur Éditions, coll. “Le passeur Poche”, janvier 2021, 280 p. – 7,90 €.