Dans l’univers sombre des hackeurs
Gomorrhe, citée dans la Genèse, est célèbre depuis qu’elle a été anéantie en compagnie de Sodome. Si la raison de la destruction de cette dernière cité est connue, rien n’indique de quoi les Gomorrhéens se rendaient coupables.
Azi Bello, depuis un abri de jardin de six mètres carrés, exerce une activité de hackeur pour des causes qui lui semblent justes. Habile, très doué dans son domaine, il a déjà quelques actions spectaculaires à son actif. Pour l’heure, il pilote un avatar pour infiltrer un réseau nazi. Sigma, un (ou une ?) hackeur avec qui il communique lui envoie un dossier. Il est épouvanté par ce qu’il découvre, une angoisse qui augmente d’un cran quand Sigma lui demande de l’aide parce qu’il est traqué, en danger de mort. Contre toutes les règles de sécurité, il souhaite le rencontrer physiquement.
Très fort sur les réseaux, Azi est très craintif dans le quotidien et refuse la rencontre. Alors qu’il envoie sa réponse, on frappe trois coups contre la porte de son abri. Une femme pénètre dans son antre, se présente sous le prénom d’Anna et lui révèle qu’elle sait tout de lui, lui rappelle quelques-uns de ses exploits et lui impose de rencontrer Sigma qui s’appelle Munira Khan. Son dossier sur les tueurs de Daesh infiltrés en Europe est de la dynamite.
Anna et son service ont perdu la trace de Munira. Il faut absolument retrouver cette jeune femme et intégrer Gomorrhe, le pire du Darknet, pour éradiquer la menace…
Le thème du livre s’appuie sur Internet et ses différents niveaux, sur les individus qui l’utilisent de façon plus ou moins légale, en l’occurrence, ici, de manière totalement illégale. Le romancier place un garçon, brillant derrière son écran mais désemparé face au quotidien de l’existence, dans une situation dramatique. Il lui fait rencontrer, pour la protéger, une jeune et jolie fille qui s’est mise en danger de mort, poursuivie par les pires djihadistes.
Ils se retrouvent sous la coupe d’une organisation internationale puissante dirigée par Anna. Et, bien sûr, même les actions les mieux préparées peuvent déraper. Et voici Azi et Munira lancés dans un périple palpitant, partant de Londres pour rejoindre Berlin, de San Francisco à Athènes.
Avec Bienvenue à Gomorrhe, Tom Chatfield signe un thriller au sujet très actuel, présenté de façon originale. Si l’intrigue est d’une belle noirceur, le ton reste assez léger et plein d’humour.
Le héros, l’antihéros ?, sait s’analyser, analyser ses réactions, ses sentiments, les situations, se juger avec drôlerie et facétie.
Les personnages sont construits avec soin et le couple de personnages sur lequel repose le roman est entouré par une belle et copieuse brochette de protagonistes aux caractères et profils s’étalant sur une large palette, du plus empathique au plus ignoble. Le romancier, par ailleurs consultant pour de nombreuses entreprises du secteur des nouvelles technologies, maîtrise à merveille son sujet. Il détaille, donne des indications à foison, explicite, fait œuvre de vulgarisation pour un domaine qui n’est pas évident pour ceux qui ne sont pas versés à le connaître.
Ce roman est le lauréat du Prix Douglas Kennedy 2020, une récompense hautement méritée. Sur un sujet d’une actualité brûlante, Tom Chatfield offre un thriller noir à souhait, instructif et délicieusement humoristique.
Et conjuguer harmonieusement les trois n’est pas à la portée du premier venu.
serge perraud
Tom Chatfield, Bienvenue à Gomorrhe (This is Gomorrah), traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Valéry Lameignère, Hugo Thriller, octobre 2020, 480 p. – 19,95 €.