Quand les dérives mercantiles…
Didier Convard avait-il présent à l’esprit l’épopée qu’il allait développer lorsque le premier tome du Triangle secret paraît en avril 2000, chez Glénat ?
Pourtant, après sept tomes dans la série, il enchaîne, toujours avec le même brio, quatre autres suites : I.N.R.I., Les Gardiens du sang, Hertz et Lacrima christi dont le sixième tome est paru tout récemment. C’est le 27e volume, volume toujours aussi attractif.
Lacrima Christi débute en Méditerranée quand des plongeurs explorent une épave et remontent un coffre enserré dans les bras d’un squelette. À bord du bateau le commanditaire ouvre la boîte et en retire un étui. Il est en possession des Larmes du Christ une arme biologique, une souche extrêmement virulente de la peste pneumonique. Il abat froidement les membres de l’équipage et s’échappe.
Le pape et ses cardinaux sont très inquiets car ils ont perdu la trace de cet homme. Ils confient le soin d’éradiquer cette souche à Jean Nomane, alias le Rectificateur. Celui-ci, pour mener sa mission, est assisté de Karen, une femme qui décrypte les modulations de la voix ainsi que les comportements humains, et de Mattei, capable de mémoriser tout ce qui l’entoure.
Toutes les pistes les mènent vers Cho Ihn Kyang, le tyran qui règne sur la Corée du Nord. Celui-ci a fait construire un laboratoire capable de synthétiser le Lacrima Christi et veut s’en servir pour dominer le monde.
Les aventures de Jean Nomane l’amènent près de Pyongyang, avec un groupe d’agents américains. Ils comptent sur l’assistance de quelques opposants au dictateur.
Le sixième et dernier tome de la série s’ouvre alors que le général Hong Tong-Jo, l’oncle survivant du dictateur, est arrêté pendant sa liaison radio avec le général Mills. Avec la fréquence, les troupes nord-coréennes retrouvent les coordonnées du lieu appelé. Quand un des éclaireurs signale qu’une colonne de blindés se dirige vers eux, Mills décide de faire évacuer l’usine où tout le groupe était installé. Celle-ci est piégée et lorsque les premiers soldats pénètrent dans les lieux, l’ensemble explose.
Si, après bien des péripéties, Jean Nomane a pu sauvegarder la formule de l’antidote au Lacrima christi, sa mission n’est pas terminée. Il doit détruire la souche en possession du dictateur et éliminer celui-ci. Mais, au sein d’un groupe en fuite, traqué dans un pays où l’armée et les services secrets sont tout puissants…
Une course-poursuite riche en rebondissements, avec ce qu’il faut d’actions, de péripéties pour faire monter et entretenir la tension jusqu’à une conclusion peu orthodoxe pour une série d’espionnage et d’aventures ésotériques.
Sur fond de complot religieux, mettant en scène les dérives de la science et les dérives mercantiles des dictateurs, le scénariste clôt la série de belle manière.
Denis Falque assure son dessin réaliste, dynamique, détaillé, avec une mise en pages tonique. Les couleurs d’Angélique Césano recréent superbement cette ambiance lourde des tyrannies où même le climat semble être sous le joug.
On retrouve une belle cohérence dans le graphisme des couvertures de toutes les séries, celles-ci étant l’œuvre du grand André Juillard.
Un tome qui donne envie de se replonger dans toute la saga pour retrouver l’art du récit de Didier Convard et ces planches illustrées avec soin.
serge perraud
Didier Convard (scénario), Denis Falque (dessin) & Angélique Césano (couleurs), Lacrima Christi – t.06 : Rémission, Glénat, coll. “24x32”, octobre 2020, 56 p. – 14,50 €.