Lawrence Wright, Contagion

Si réel !

Ce livre, paru aux États-Unis en avril 2020 sous le titre The End of Octo­ber, a été écrit entre 2017 et 2019. Il se pré­sen­tait, dans l’esprit de son auteur, comme un thril­ler médi­cal d’anticipation.

Lors de l’Assemblée mon­diale de la santé, à Genève, un scien­ti­fique néer­lan­dais fait état d’un foyer épi­dé­mique intri­gant en Indo­né­sie. Maria Savona, direc­trice du dépar­te­ment d’épidémiologie de l’OMS, demande à Henry Par­sons d’y aller pour faire quelques pré­lè­ve­ments. Il sera aidé par l’équipe de Méde­cins Sans Fron­tière déjà sur place.
Dans le même temps, un atten­tat sur la Piazza del Popolo à Rome, pen­dant le Car­na­val, cause plus de cinq cents morts.

À Jakarta, la mis­sion d’Henry n’est pas bien admise et c’est sans l’accord de la ministre de la Santé qu’il se rend au camp de Kon­goli, lieu de l’épidémie. Il uti­lise les ser­vices de Bam­bang Idris et son tuk-tuk pour s’y rendre. Là, il découvre un camp d’internement et une tente-infirmerie rem­plie de cadavres dont ceux des trois méde­cins de MSF. Sur l’ordinateur, un sms non envoyé et des dos­siers sur les malades l’aident à com­prendre ce qui se passe.
Avec les moyens du bord, il pra­tique une autop­sie d’une méde­cin et découvre des pou­mons trans­for­més en une bouillie spu­meuse. Pré­ve­nue, Maria Savona décrète, compte tenu de la conta­gio­sité, la mise en qua­ran­taine com­plète et l’envoi de renforts.

À Washing­ton, Matilda Nichinsky anime le comité des adjoints au Conseil de sécu­rité natio­nal. L’ordre du jour concerne sur­tout l’attentat à Rome, la situa­tion à Kon­goli inter­ro­geant plu­tôt sur une nou­velle arme bac­té­rio­lo­gique.
Si l’isolement fonc­tionne bien, Henry étant lui-même confiné sous une tente pen­dant huit jours, Bam­bang est parti pour le hajj, le pèle­ri­nage à La Mecque. Lors de son sep­tième pas­sage devant la pierre noire enchâs­sée dans la Kaaba, Idris, en jouant des coudes, réus­sit à tou­cher et poser un bai­ser sur le saint des saints…

Le point de départ du récit s’appuie sur une épi­dé­mie à forte mor­ta­lité dont l’origine se trouve dans un lieu reculé de l’Indonésie. Puis, l’auteur retient une belle concen­tra­tion d’humains avec le pèle­ri­nage que tout musul­man doit effec­tuer au moins une fois dans sa vie, à La Mecque.
Pla­çant le rayon­ne­ment de la pan­dé­mie depuis l’Arabie Saou­dite, la pro­pa­ga­tion sur le reste de la pla­nète se fai­sant avec le retour des pèle­rins dans leur foyer, il décrit une situa­tion simi­laire à celle que le monde connaît en 2020.

Mais Conta­gion reste un thril­ler et intègre des conflits inter­na­tio­naux, des com­plots, des atten­tats, des scien­ti­fiques aux des­seins peu huma­nistes ou trop selon le point de vue. Il évoque les cyber-attaques, la guerre bac­té­rio­lo­gique et les expé­riences menées dans le secret de labo­ra­toires sur toutes sortes d’agents patho­gènes.
Il met en scène des déci­sions poli­tiques inco­hé­rentes, prises sans réflexion, en tenant seule­ment compte de vieux cli­vages. Il décrit, de façon peu ras­su­rante, le tra­vail des agences de ren­sei­gne­ment : “Des infor­ma­tions incom­plètes comme celles-ci ser­vaient de fon­de­ment à des actions mal étu­diées dans des régions du monde où…

Le roman­cier dis­tille dans le cours de son récit une his­toire des épi­dé­mies qui ont dévasté les popu­la­tions depuis des siècles, leur pro­pa­ga­tion, leur évo­lu­tion et leur pré­ven­tion. Il expli­cite le mode de fonc­tion­ne­ment des virus, leurs dif­fé­rentes classes et leur moyen d’attaque sur les orga­nismes. Il donne mille détails, tous pas­sion­nants, sur le virus Ebola, la fameuse grippe espa­gnole, le fonc­tion­ne­ment des ser­vices de l’OMS. Il décrit les grandes étapes du hajj, la pré­pa­ra­tion du pèle­rin, les dif­fé­rentes sta­tions reli­gieuses et leur signi­fi­ca­tion. Il montre les rami­fi­ca­tions des auteurs d’attentats.
La gale­rie des per­son­nages est d’une belle diver­sité avec des carac­tères étu­diés, des pro­fils psy­cho­lo­giques bien construits pour tenir les rôles qui leur sont dévo­lus. Il met en scène un pré­sident des États-Unis que tout le monde peut recon­naître mais dont il fait un por­trait peu flatteur.

Ce roman est minu­tieu­se­ment docu­menté, livrant de nom­breuses infor­ma­tions sur les sujets abor­dés. L’auteur a ren­con­tré nombre d’épidémiologistes, micro­bio­lo­gistes et viro­logues.
Son métier de jour­na­liste lui donne accès à des infor­ma­tions sur la sécu­rité natio­nale des USA dans tous les sens du terme.

Au-delà de l’aspect pro­phé­tique, Conta­gion se révèle un superbe roman, docu­menté, riche en actions et en infor­ma­tions dont la lec­ture est un vrai moment de plai­sir se plon­geant dans une fic­tion pour oublier quelque peu les dégâts pro­duits par un virus réel.

serge per­raud

Law­rence Wright, Conta­gion (The End of Octo­ber), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Laurent Barucq, cherche midi, coll. “Lit­té­ra­ture étran­gère”, octobre 2020, 480 p. – 22,00 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>