Des conséquences inattendues du Débarquement
Jérôme Derache adapte un roman de Michel Bussi dont une première version est parue en 2007 sous le titre Omaha Crimes, aux éditions PTC de Rouen. L’auteur a revu et corrigé ce texte pour le faire reparaître en octobre 2014 sous le titre Gravé dans le sable aux Presses de la Cité.
C’est cette version qui sert de base à l’adaptation du scénariste.
Le 3 juin 1944, en Angleterre, un tirage au sort décide de la place occupée par les soldats pour l’assaut contre la pointe Guillaume. Celle-ci est coiffée d’un blockhaus presque inexpugnable. Le 6 juin, c’est l’assaut selon l’ordre désigné par le sort. Lucky, qui a une réputation de chanceux, s’élance parmi les premiers en pensant à Alice, sa belle fiancée.
Lison, une fille de Château-le-Diable, entend les combats et se porte au secours de blessés. Elle trouve Alan, qu’elle ramène chez elle et quelle soigne.
Le 19 novembre, Alice est sur la pointe Guillaume, venu se recueillir, ne pouvant pas croire à la mort de Lucky. Alors qu’elle repart dans un bus, Alan, toujours blessé, croit la reconnaître, Lucky montrait si souvent sa photo. Mais, il rabroue Lison qui lui pose des questions quant à son attitude.
C’est le 10 janvier 1964 qu’Alan décide de repartir aux USA, au grand dam de Lison. Il la rassure, lui affirme que la femme qui lui écrit depuis vingt ans n’est pas son épouse, qu’il doit régler un certain nombre de choses. Il l’aime et l’épousera dès son retour. Aux USA, alors qu’il surveille une femme venue chercher ses deux enfants à l’école, Alan est renversé mortellement par une voiture.
En juin 1964, Alice est revenue pour une commémoration. Parmi les vétérans présents, l’un d’eux la reconnaît. Dans la conversation, il fait la remarque qu’elle doit être la veuve la plus riche des États-Unis. Et il révèle qu’elle aurait touché 1,44 million de dollars de la part d’Oscar Arlington, parce que Lucky avait…
Si Michel Bussi promène aujourd’hui ses personnages dans des lieux lointains, il avait, pour ses premiers romans, plaisir à prendre la Normandie pour décor. Et, quand on évoque cette région, après le camembert, les pommes, le cidre, un romancier très talentueux, ce sont les débarquements des Forces Alliées, en 1944, qui viennent à l’esprit.
L’intrigue s’appuie sur des actes, des décisions prises pendant une situation de crise aigüe. Les soldats savent que la plupart d’entre eux vont mourir, surtout les premiers à débarquer et se lancer à l’assaut. C’est vingt ans après que des révélations sur ces quelques heures cruciales voient le jour. La recherche des témoins de l’époque, des signataires d’un contrat, est déjà difficile. Alors, retrouver des éléments concrets pour étayer les dires, les déclarations verbales, relève de l’impossible. D’autant que certains affirment des situations régularisées, des versements, des promesses tenues. Qui dit la vérité ? Qui ment ? Pourquoi des situations inexpliquées ?
Jérôme Derache restitue avec brio le récit de Michel Bussi. Celui-ci n’a pas son pareil pour jouer avec les secrets, les non-dits, avec des individus à la personnalité multiple dont on ne sait pas, jusqu’à la fin, quelle est la part de vérité dans leurs affirmations, quels sont les mensonges sur lesquels ils ont construits leur vie.
Le dessin comme la mise en couleurs sont l’œuvre de Cédric Fernandez. Avec un trait tonique, allant à l’essentiel, il met en scène une belle galerie de personnages qu’ils façonnent de manière à rendre immédiatement reconnaissables tous les protagonistes. Il met l’accent sur ceux-ci multipliant les gros plans sans pour autant, quand le besoin du récit le fait sentir, négliger les décors.
Avec cette adaptation très réussie, faisant sourdre tout l’art du conteur du romancier, le scénariste synthétise une belle intrigue retorse dont la tension ne retombe pas.
serge perraud
Jérôme Derache (scénario d’après le roman de Michel Bussi) & Cédric Fernandez (dessin et couleurs), Gravé dans le sable, Éditions Philéas, octobre 2020, 128 p. – 19,90 €.