Andrew Solomon, Les Frémissements du monde. Reportages (1988–2017)

A quoi bon?

La pre­mière et la qua­trième de cou­ver­ture de ce recueil sont ornées de recom­man­da­tions dithy­ram­biques, signées res­pec­ti­ve­ment Sal­man Rush­die et Vanity Fair, qui mettent le lec­teur en appé­tit pour un ouvrage qui serait “magni­fique“ et “magis­tral“.
C’est peu dire qu’on tombe de haut, avant même d’en avoir absorbé la moi­tié, tant l’écriture d’Andrew Solo­mon s’avère, dans la plu­part des repor­tages, médiocre, voire indi­geste – à quelques rares excep­tions près.

Il est per­mis de se deman­der dans quelle mesure l’impression d’ensemble pro­vient de la tra­duc­tion. On ne sau­rait rele­ver toutes les occur­rences non seule­ment des coquilles, mais des vraies fautes de fran­çais (ainsi, la for­mule “à l’occidentale“ est imman­qua­ble­ment ortho­gra­phiée sans sa voyelle finale) et d’incongruités telles que “peintre à l’huile“, p. 196 (en conserve, comme le thon ?), “devint cri­tique poli­tique à la cour“, p. 205, “une moufle réa­li­sée avec un majeur levé“, p. 212, “du pain plat“, p. 280 (s’agirait-il de galettes ?), “confit une grande vérité“, p. 324, ou “Le pay­sage [de Rio] pré­sente une vigueur presque véni­tienne“, pp. 396–397. Il y a même pire : dans cer­tains cas, la tra­duc­trice a car­ré­ment renoncé à tra­duire, notam­ment en par­lant de la fête chi­noise “du Cold Food“ (p. 205) et en uti­li­sant la notion de “gal­lons“ dans une cita­tion de texte chi­nois (p. 206).
Et que dire d’une tour­nure comme celle qui suit : “Il est plus pro­bable que cela se pro­duise lorsque le coût du voyage n’était pas très élevé“ (p. 219) ? De toute évi­dence, aucun cor­rec­teur n’a relu les épreuves. A quoi bon publier en fran­çais un gros pavé comme celui-ci sans faire le néces­saire pour évi­ter qu’il insup­porte les let­trés au plus vite ?

Ayant fait l’effort de le lire jusqu’au bout, je ne sau­rais vous recom­man­der que “Les trois étapes de Phaly Nuon“, repor­tage sur une Cam­bod­gienne très éprou­vée qui avait réussi à mettre au point une méthode pour gué­rir les trau­ma­tismes psy­chiques ; “Les grands espaces de la Mon­go­lie“, qui vous dépay­sera d’autant mieux qu’il décrit un état de choses déjà révolu ; et “Nu, recou­vert de sang de bélier, buvant un Coca et me sen­tant par­fai­te­ment bien“, où l’on apprend non seule­ment com­ment une gué­ris­seuse séné­ga­laise a soi­gné la dépres­sion de l’auteur, mais aussi que les Rwan­dais ont été obli­gés de deman­der aux psy­cho­thé­ra­peutes occi­den­taux de quit­ter le pays, après avoir été conster­nés par leurs méthodes (p. 266).

agathe de lastyns

Andrew Solo­mon, Les Fré­mis­se­ments du monde. Repor­tages (1988–2017), tra­duit de l’anglais (Etats-Unis) par Chris­tine Vivier, Fayard, sep­tembre 2020, 600 p. – 28,00 €.

 

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