La montée du nazisme vue par une jeune femme…
En décalant de presque dix ans la suite de son récit, Yves Sente– qui introduit ici de nombreuses références aux piliers du journal Spirou - dispose d’une héroïne devenue femme, désireuse de prendre son destin en main. Elle a des opinions et entend mettre ses actes en accord avec elles. Elle a suivi une solide formation et dispose d’une meilleure santé grâce à son traitement. Elle ambitionne donc de devenir grand reporter. Or, dans la France de 1938, elle se heurte au machisme qui règne dans les rédactions. (Est-on sûr que la situation ait fondamentalement changé en 2020 ?)
Le choix des années 1937–38 offre au scénariste un cadre idéal pour mettre en scène les préparatifs des nazis de la guerre. Ils ont besoins d’or, de matières premières, d’énergie et nécessité fait loi…
C’est également entre le 25 mai et le 25 novembre 1937 que se tient, à Paris, l’Exposition universelle. Se font face les deux pavillons de l’Allemagne et de l’URSS, le premier défiant le second en ayant quelques mètres de hauteur de plus. Bien que les relations affichées entre le régime nazi et le régime communiste soient détestables, les dirigeants de ces deux pays vont signer un accord prévoyant, entre autres, un partage de l’Europe selon leurs sphères d’influence.
À Noël 1959, L’Oncle Paul avait raconté aux trois enfants de la famille Destrée la rencontre entre Juliette et Ptirou, un jeune garçon bien débrouillard, en route vers les USA après que sa mère, une trapéziste, soit morte d’une chute pendant son numéro.
Juliette, qui est cardiaque, peut se soigner grâce à de nouveaux médicaments.
Pour Pâques, Oncle Paul revient et les enfants le pressent de raconter la suite des aventures de Juliette de Sainteloi.
Quand Juliette reprend le bateau pour la France, elle a décidé de son destin. Elle sera grand reporter contre l’avis de son père qui préférerait qu’elle rencontre un charmant garçon de bonne famille et…
Le 25 juin 1937, Henri de Sainteloi retrouve dans son club Gustave Noirhomme, son associé avec qui il a fondé une compagnie maritime spécialisée dans le transport du pétrole. Celui-ci a été contacté par des Allemands qui veulent entrer au capital de leur société pour un prix très avantageux. Noirhomme a entendu des rumeurs de guerre et pense que ceux-ci ont besoin de renforcer leur flotte. Henri s’étonne car les Allemands sont très présents à l’Exposition Universelle qui se tient à Paris.
Si la transaction le séduit, il est obligé d’en parler à sa fille car elle est majeure maintenant et possède les parts de sa mère décédée. Juliette refuse. Elle a lu Mein Kampf et ne veut rien vendre aux nazis. Sa décision est irrévocable.
Noirhomme, qui s’était engagé vis-à-vis des Allemands, se retrouve dans une situation délicate. Il décide alors de…
Laurent Verron, avec un trait rond, efficace offre une mise en images solide, une belle galerie de personnages facilement identifiables, de jolis minois pour les demoiselles et des silhouettes détestables pour les félons et autres responsables nazis et communistes. On est loin de l’idéal aryen, ces grands blonds aux yeux clairs. C’est d’ailleurs “cocasse”, quand on voit la tripotée de responsables nazis dont pas un seul ne ressemble à l’idéal qu’ils prônent.
Il restitue de fort jolis décors tant pour les bâtiments, accessoires que pour la mode que suivent ses héroïnes.
Un album attrayant, servi par une intrigue de bonne tenue mêlant avec réussite éléments historiques et fiction avec une mise en images parfaitement réussie.
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serge perraud
Yves Sente (scénario), Laurent Verron (dessin) & Isabelle Rabarot (couleurs), Mademoiselle J. – t.02 : Je ne me marierai jamais, Dupuis, octobre 2020, 64 p. – 15,95 €.