Renaissance est le nom du projet conçu au sein de la fédération de planètes réunies dans le Complexe. Technologiquement et socialement très avancées, ces civilisations ont décidé de venir en aide aux humains, sur une Terre qui n’en peut plus… en 2084. Les ressources naturelles sont épuisées, une pandémie ravage les populations et des machines commandées par des algorithmes hostiles attaquent les humains.
Swänn et Sätie, un jeune couple qui se destinait à une vie paisible sur leur lieu d’origine, Näkän, une des planètes majeures du Complexe, sont mobilisés et font partie de l’expédition. Ils vont être séparés. Le premier sera au Texas où il rencontrera Liz, une femme-pompier spécialisée dans l’extinction des incendies de puits de pétrole. La seconde se retrouve en France pour lutter contre la pandémie.
Pour l’heure, au début du tome 3, la situation au Texas est dramatique et les populations fuient les feux des puits de pétrole et les machines guerrières en voulant franchir le mur qui les séparent du Mexique. Swänn est avec Liz ne sachant comment lui révéler la mort de son mari et des deux filles, assassinés par des contrebandiers Skuälls.
Sätie découvre des horreurs, des humains asservis, affamés pour produire l’énergie d’une Algo. Aidée par Hélène, elle va pouvoir avancer et soigner ces populations en déshérence d’autant que l’Algo livre des indications sur le Patient Zéro.
Parallèlement, au sein du Complexe, des parties prenantes poursuivent des objectifs bien différents allant jusqu’à remettre en cause la durée de l’opération Renaissance.
Si Swänn va devoir affronter ces contrebandiers, ces tueurs, Sätie, suite à une information donnée en signe de bonne foi, doit partir en Sibérie. Bien avant cette opération, des extraterrestres sont venus sur Terre et les conséquences de leur passage se font encore sentir…
Ce n’est pas la première fois que des extraterrestres viennent sur Terre, soit pour conquérir, soit pour aider. Souvent cette aide n’est pas désintéressée et s’apparente à une conquête ou, à minima, une exploitation de ce qui peut être utile.
Fred Duval prend le parti d’une aide humanitaire, bien que des factions louchent encore sur le peu qui reste. Avec son couple de héros à la rencontre d’humains, il développe une intrigue forte intégrant nombre de concepts, de données, de sujets, nourrissant son propos avec l’actualité.
C’est ainsi qu’il montre les ravages des systèmes coloniaux, développe une épidémie sévère et fait rechercher le Patient Zéro. N’osant pas le placer à Wuhan, il évoque la Sibérie, zone peu éloignée, à l’échelle planétaire, du point de départ de l’épidémie de la Covid-19. Toutefois, la Sibérie offre, dans le cadre de son intrigue, des potentialités non négligeables.
Il consacre une part de son récit aux algorithmes, plaçant ces Intelligences Artificielles comme de potentielles ennemies du genre humain. Il utilise également la fonte du permafrost. Il livre des images, des réflexions pleines de réalisme et d’ironie comme celle relative au mur entre le Mexique et le Texas, financé par cette vieille fripouille de Trump. Il parle de l’origine du racisme quand les exactions de quelques-uns rejaillissent sur toute une communauté. Il minimise la rancune des Mexicains qui ont été, pendant un siècle, considérés par les américains comme des parasites en sombréro.
Mais Fred Duval donne aussi une belle place à ses héroïnes, faisant d’elles des éléments positifs, seules dans cette débâcle capables d’un peu de réflexion utile pour combattre les fléaux.
Fred Blanchard assure les designs, Emem le dessin et la couleur. Il en résulte un travail graphique de toute beauté tant par la variété et l’inventivité des décors, de leur côté fantastique, que par les personnages et les extraterrestres. Comme il est réussi le Crocodylus acutus qui se laisse gratter sous la gueule avec une mimique proche de celle que peut avoir un chat dans la même situation.
Ce troisième tome, qui signe la fin d’une première époque, est remarquable en tous points et fait espérer une suite à paraître le plus tôt possible tant l’histoire est riche et attractive, si joliment mise en images.
serge perraud
Fred Duval (scénario), Fred Blanchard (design) & Emem (dessin et couleur), Renaissance – t.03 : Permafrost, Dargaud, septembre 2020, 56 p. – 14,50 €.